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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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De nouveau, ils se turent. Elle l'aurait préféré furieux, jurant, tapant du poing ; cevieillard suffoqué, écrasé, la navrait. Mais il se remettait peu à peu, il re<strong>com</strong>mençait àcrier.- Mille francs, ça ne se refuse pas... Vous irez tous. Partez donc, laissez-moi seul. Oui,seul, entendez-vous ! Il y en aura un qui ne pliera jamais la tête... Et dites-leur que jegagnerai mon procès, quand je devrais y manger ma dernière chemise !Denise ne devait quitter Robineau qu'à la fin du mois. Elle avait revu Mouret, tout setrouvait réglé. Un soir, elle allait remonter chez elle, lorsque Deloche, qui la guettaitsous une porte cochère, l'arrêta au passage. Il était bien heureux, il venaitd'apprendre la grande nouvelle, tout le magasin en causait, disait-il. Et il lui contagaiement les <strong>com</strong>mérages <strong>des</strong> <strong>com</strong>ptoirs.- Vous savez, ces dames <strong>des</strong> confections font une figure! Puis, s'interrompant :- A propos, vous vous souvenez de Clara Prunaire. Eh bien ! il paraît que le patronl'aurait... Vous <strong>com</strong>prenez ?Il était devenu rouge. Elle, toute pâle, s'écria :- M. Mouret!- Un drôle de goût, n'est-ce pas ? reprit-il. Une femme qui ressemble à un cheval... Lapetite lingère qu'il avait eue deux fois, l'an passé, était gentille au moins. Enfin, ça leregarde.Denise, rentrée chez elle, se sentit défaillir. C'était sûrement d'avoir monté trop vite.Accoudée à la fenêtre, elle eut la brusque vision de Valognes, de la rue déserte, aupavé moussu, qu'elle voyait de sa chambre d'enfant ; et un besoin la prenait derevivre là-bas, de se réfugier dans l'oubli et la paix de la province. Paris l'irritait, ellehaïssait le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>, elle ne savait plus pourquoi elle avait consenti à yretourner.Certainement, elle y souffrirait encore, elle souffrait déjà d'un malaise inconnu, depuisles histoires de Deloche. Alors, sans motif, une crise de larmes la força de quitter lafenêtre. Elle pleura longtemps, elle retrouva quelque courage à vivre.Le lendemain, au déjeuner, <strong>com</strong>me Robineau l'avait envoyée en course et qu'ellepassait devant le Vieil Elbeuf, elle poussa la porte, en voyant Colomban seul dans laboutique. Les Baudu déjeunaient, on entendait le bruit <strong>des</strong> fourchettes, au fond de lapetite salle.- Vous pouvez entrer, dit le <strong>com</strong>mis. Ils sont à table.Mais elle le fit taire, elle l'attira dans un coin. Et, baissant la voix :- C'est à vous que je veux parler... Vous manquez donc de coeur? vous ne voyez doncpas que Geneviève vous aime et qu'elle en mourra ?Elle était toute frémissante, sa fièvre de la veille la secouait de nouveau. Lui, effaré,étonné de cette brusque attaque, ne trouvait pas une parole.- Entendez-vous ! continua-t-elle, Geneviève sait que vous en aimez une autre. Elleme l'a dit, elle a sangloté <strong>com</strong>me une malheureuse... Ah ! la pauvre enfant! elle nepèse plus lourd, allez ! Si vous aviez vu ses petits bras ! C'est à pleurer... Dites, vousne pouvez pas la laisser mourir ainsi! Il parla enfin, tout à fait bouleversé.- Mais elle n'est pas malade, vous exagérez... Moi, je ne vois pas... Et puis, c'est sonpère qui recule le mariage.Denise, rudement, releva ce mensonge. Elle avait senti que la moindre insistance dujeune homme déciderait l'oncle.Quant à la surprise de Colomban, elle n'était pas feinte : il ne s'était réellement jamaisaperçu de la lente agonie de Geneviève.Ce fut, pour lui, une révélation très désagréable. Tant qu'il ignorait, il n'avait pas dereproches trop gros à se faire.- Et pour qui ? reprenait Denise, pour une rien du tout !...Mais vous ignorez donc qui vous aimez ? Je n'ai pas voulu vous chagriner jusqu'àprésent, j'ai évité souvent de répondre à vos continuelles questions... Eh bien! oui, elle124

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