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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Pourquoi pas ? dit Mouret naïvement. Il n'y a aucune raison pour que ça s'arrête. Lecapital peut passer quinze fois, voici longtemps que je le prédis. Même, dans certainsrayons, il passera vingt-cinq et trente fois... Ensuite, eh bien! ensuite, nous trouveronsun truc pour le faire passer davantage.- Alors, vous finirez par boire l'argent de Paris, <strong>com</strong>me on boit un verre d'eau ?- Sans doute. Est-ce que Paris n'est pas aux femmes, et les femmes ne sont-elles pasà nous ? .Le baron lui posa les deux mains sur les épaules, le regarda d'un air paternel.- Tenez ! vous êtes un gentil garçon, je vous aime... On ne peut pas vous résister.Nous allons piocher l'idée sérieusement, et j'espère leur faire entendre raison. Jusqu'àprésent, nous n'avons qu'à nous louer de vous. Les dividen<strong>des</strong> stupéfient la Bourse...Vous devez être dans le vrai, il vaut mieux mettre encore de l'argent dans votremachine, que de risquer cette concurrence au Grand-Hôtel, qui est hasardeuse.L'excitation de Mouret tomba, il remercia le baron, mais sans y mettre son éland'enthousiasme habituel ; et celui-ci le vit tourner les yeux vers la porte de la chambrevoisine, repris de la sourde inquiétude qu'il cachait. Cependant, Vallagnosc s'étaitapproché, en <strong>com</strong>prenant qu'ils ne causaient plus d'affaires. Il se tint debout prèsd'eux, il écouta le baron qui murmurait de son air galant d'ancien viveur :- Dites, je crois qu'elles se vengent ?- Qui donc ? demanda Mouret, embarrassé.- Mais les femmes... Elles se lassent d'être à vous, et vous êtes à elles, mon cher :juste retour !Il plaisanta, il était au courant <strong>des</strong> amours bruyantes du jeune homme. L'hôtel achetéà la rouleuse de coulisses, les sommes énormes mangées avec <strong>des</strong> filles ramasséesdans les cabinets particuliers, l'égayaient <strong>com</strong>me une excuse aux folies qu'il avaitfaites lui-même autrefois. Sa vieille expérience se réjouissait.- Vraiment, je ne <strong>com</strong>prends pas, répétait Mouret.- Eh ! vous <strong>com</strong>prenez très bien. Elles ont toujours le dernier mot... <strong>Au</strong>ssi je pensais :Ce n'est pas possible, il se vante, il n'est pas si fort ! Et vous y voilà ! Tirez donc toutde la femme, exploitez-la <strong>com</strong>me une mine de houille, pour qu'elle vous exploiteensuite et vous fasse rendre gorge !... Méfiez-vous, car elle vous tirera plus de sang etd'argent que vous ne lui en aurez sucé.Il riait davantage, et Vallagnosc, près de lui, ricanait, sans dire une parole.- Mon Dieu ! il faut bien goûter à tout, finit par confesser Mouret, en affectant <strong>des</strong>'égayer également. L'argent est bête, si on ne le dépense pas.- Ça, je vous approuve, reprit le baron. Amusez-vous, mon cher. Ce n'est pas moi quivous ferai de la morale, ni qui tremblerai pour les gros intérêts que nous vous avonsconfiés. On doit jeter sa gourme, on a la tête plus libre ensuite... Et puis, il n'est pasdésagréable de se ruiner, quand on est homme à rebâtir sa fortune... Mais si l'argentn'est rien, il y a <strong>des</strong> souffrances...Il s'arrêta, son rire devint triste, d'anciennes peines passaient dans l'ironie de sonscepticisme. Il avait suivi le duel d'Henriette et de Mouret, en curieux que les bataillesdu coeur passionnaient encore chez les autres ; et il sentait bien que la crise étaitvenue, il devinait le drame, au courant de l'histoire de cette Denise, qu'il avait vuedans l'anti-chambre.- Oh ! quant à souffrir, cela n'est pas dans ma spécialité, dit Mouret, d'un ton debravade. C'est déjà bien joli de payer.Le baron le regarda quelques secon<strong>des</strong> en silence. Sans vouloir insister, il ajoutalentement :- Ne vous faites pas plus mauvais que vous n'êtes... Vous y laisserez autre chose quevotre argent. Oui, vous y laisserez de votre chair, mon ami.Il s'interrompit pour demander, en plaisantant de nouveau :- N'est-ce pas ? monsieur de Vallagnosc, ça arrive ?- On le dit, monsieur le baron, déclara simplement ce dernier.171

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