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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Puisque ça m'est arrivé ! répéta Pauline. Voyons, je suis votre aînée, j'ai vingt-sixans et demi, sans que cela paraisse...Contez-moi vos petites affaires.Alors, Denise céda, devant cette amitié qui s'offrait si franchement. Elle s'assit enjupon, un vieux châle noué sur les épaules, près de Pauline en toilette; et une bonnecauserie s'engagea entre elles. Il gelait dans la chambre, le froid semblait y couler <strong>des</strong>murs mansardés, d'une nudité de prison ; mais elles ne s'apercevaient pas que leursdoigts avaient l'onglée, elles étaient toutes à leurs confidences. Peu à peu, Denise selivra, parla de Jean et de Pépé, dit <strong>com</strong>bien la question d'argent la torturait; ce qui lesamena toutes deux à tomber sur ces demoiselles <strong>des</strong> confections. Pauline sesoulageait.- Oh ! les mauvaises teignes ! Si elles se conduisaient en bonnes camara<strong>des</strong>, vouspourriez vous faire plus de cent francs.- Tout le monde m'en veut, sans que je sache pourquoi, disait Denise gagnée par leslarmes. Ainsi M. Bourdonde est sans cesse à me guetter, pour me prendre en faute,<strong>com</strong>me si je le gênais... Il n'y a guère que le père Jouve...L'autre l'interrompit.- Ce vieux singe d'inspecteur ! Ah! ma chère, ne vous y fiez point... Vous savez, leshommes qui ont <strong>des</strong> grands nez <strong>com</strong>me ça ! Il a beau étaler sa décoration, on raconteune histoire qu'il aurait eue chez nous, à la lingerie... Mais que vous êtes donc enfantde vous chagriner ainsi ! Est-ce malheureux d'être si sensible ! Pardi ! ce qui vousarrive, arrive à toutes : on vous fait payer la bienvenue.Elle lui saisit les mains, elle l'embrassa, emportée par son bon coeur. La questiond'argent était plus grave. Certainement, une pauvre fille ne pouvait soutenir ses deuxfrères, payer la pension du petit et régaler les maîtresses du grand, en ramassant lesquelques sous douteux dont les autres ne voulaient point ; car il était à craindre qu'onne l'appointât pas avant la reprise <strong>des</strong> affaires, en mars.- Écoutez, il est impossible que vous teniez le coup davantage, dit Pauline. Moi, àvotre place...Mais un bruit, venu du corridor, la fit taire. C'était peut-être Marguerite, qu'on accusaitde se promener en chemise de nuit, pour moucharder le sommeil <strong>des</strong> autres. Lalingère, qui serrait toujours les mains de son amie, la regarda un moment en silence,l'oreille tendue. Puis, elle re<strong>com</strong>mença très bas, d'un air de tendre conviction :- Moi, à votre place, je prendrais quelqu'un.- Comment, quelqu'un ? murmura Denise, sans <strong>com</strong>prendre d'abord.Lorsqu'elle eut <strong>com</strong>pris, elle retira ses mains, elle resta toute sotte. Ce conseil lagênait <strong>com</strong>me une idée qui ne lui était jamais venue, et dont elle ne voyait pasl'avantage.- Oh ! non, répondit-elle simplement.- Alors, continua Pauline, vous ne vous en sortirez pas, c'est moi qui vous le dis !...Les chiffres sont là : quarante francs pour le petit, <strong>des</strong> pièces de cent sous de temps àautre au grand ; et vous ensuite, vous qui ne pouvez toujours aller mise <strong>com</strong>me unepauvresse, avec <strong>des</strong> souliers dont ces demoiselles plaisantent; oui, parfaitement, vossouliers vous font du tort...Prenez quelqu'un, ce sera beaucoup mieux.- Non, répéta Denise.- Eh bien ! vous n'êtes pas raisonnable... C'est forcé, ma chère, et si naturel ! Nousavons toutes passé par là. Moi, tenez! j'étais au pair, <strong>com</strong>me vous. Pas un liard. Onest couchée et nourrie, bien sûr ; mais il y a la toilette, puis il est impossible de restersans un sou, renfermée dans sa chambre, à regarder voler les mouches. Alors, monDieu ! il faut se laisser aller...Et elle parla de son premier amant, un clerc d'avoué, qu'elle avait connu dans unepartie, à Meudon. Après celui-là, elle s'était mise avec un employé <strong>des</strong> postes. Enfin,depuis l'automne, elle fréquentait un vendeur du Bon Marché, un grand garçon très70

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