12.07.2015 Views

Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

dans la dernière réunion générale du Crédit Immobilier. Et Mouret touchait enfin à laréalisation de son rêve : cette façade qui allait grandir sur la rue du Dix-Décembre,était <strong>com</strong>me l'épanouissement même de sa fortune. <strong>Au</strong>ssi voulut-il fêter la pose de lapremière pierre. Il en fit une cérémonie, distribua <strong>des</strong> gratifications à ses vendeurs,leur donna le soir du gibier et du champagne. On remarqua son humeur joyeuse sur lechantier, le geste victorieux dont il scella la pierre, d'un coup de truelle. Depuis <strong>des</strong>semaines, il était inquiet, agité d'un tourment nerveux, qu'il ne parvenait pas toujoursà cacher ; et son triomphe apportait un répit, une distraction dans sa souffrance. Toutl'après-midi, il sembla revenu à sa gaieté d'homme bien portant.Mais, dès le dîner, lorsqu'il traversa le réfectoire pour boire un verre de champagneavec son personnel, il reparut fiévreux, souriant d'un air pénible, les traits tirés par lemal inavoué qui le rongeait. Il était repris.Le lendemain, aux confections, Clara Prunaire essaya d'être désagréable à Denise. Elleavait remarqué l'amour transi de Colomban, elle eut l'idée de plaisanter les Baudu.Comme Marguerite taillait son crayon en attendant les clientes, elle lui dit à voix haute:- Vous savez, mon amoureux d'en face... Il finit par me chagriner dans cette boutiquenoire, où il n'entre jamais personne.- Il n'est pas si malheureux, répondit Marguerite, il doit épouser la fille du patron.- Tiens! reprit Clara, ce serait drôle de l'enlever alors!...Je vais en faire la blague, parole d'honneur ! Et elle continua, heureuse de sentirDenise révoltée. Celle-ci lui pardonnait tout ; mais l'idée de sa cousine Genevièvemourante, achevée par cette cruauté, la jetait hors d'elle. Justement, une cliente seprésentait, et <strong>com</strong>me Mme <strong>Au</strong>rélie venait de <strong>des</strong>cendre au sous-sol, elle prit ladirection du <strong>com</strong>ptoir, elle appela Clara.- Mademoiselle Prunaire, vous feriez mieux de vous occuper de cette dame que decauser.- Je ne causais pas.- Veuillez vous taire, je vous prie. Et occupez-vous de madame tout de suite.Clara se résigna, domptée. Lorsque Denise faisait acte de force, sans élever le ton, pasune ne résistait. Elle avait conquis une autorité absolue, par sa douceur même. Uninstant, elle se promena en silence, au milieu de ces demoiselles devenues sérieuses.Marguerite s'était remise à tailler son crayon, dont la mine cassait toujours. Elle seulecontinuait à approuver la seconde de résister à Mouret, hochant la tête, n'avouant pasl'enfant qu'elle avait fait par hasard, mais déclarant que, si l'on se doutait <strong>des</strong>embarras d'une bêtise, on aimerait mieux se bien conduire.- Vous vous fâchez ? dit une voix derrière Denise.C'était Pauline qui traversait le rayon. Elle avait vu la scène, elle parlait bas, ensouriant.- Mais il le faut bien, répondit de même Denise. Je ne puis venir à bout de mon petitmonde.La lingère haussa les épaules.- Laissez donc, vous serez notre reine à toutes, quand vous voudrez.Elle, ne <strong>com</strong>prenait toujours pas les refus de son amie.Depuis la fin d'août, elle avait épousé Baugé, une vraie sottise, disait-elle gaiement.Le terrible Bourdoncle la traitait maintenant en sabot, en femme perdue pour le<strong>com</strong>merce. Sa frayeur était qu'on ne les envoyât un beau matin s'aimer dehors, carces messieurs de la direction décrétaient l'amour exécrable et mortel à la vente.C'était au point que lorsqu'elle rencontrait Baugé dans les galeries, elle affectait de nepas le connaître. Justement, elle venait d'avoir une alerte, le père Jouve avait failli lasurprendre causant avec son mari, derrière une pile de torchons.- Tenez ! il m'a suivie, ajouta-t-elle, après avoir conté vivement l'aventure à Denise.Le voyez-vous qui me flaire de son grand nez !178

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!