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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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taille; on désespérait de la sauver elle-même. Cependant, Bourdoncle regardait leteint de Pauline se plomber, tandis qu'il lui trouvait une raideur dans la démarche. Unmatin, il était près d'elle, aux trousseaux, quand un garçon de magasin, qui enlevaitun paquet, la heurta d'un tel coup, qu'elle porta les deux mains à son ventre, enpoussant un cri. Tout de suite, il l'emmena, la confessa, soumit au conseil la questionde son renvoi, sous le prétexte qu'elle avait besoin du bon air de la campagne:l'histoire du coup allait se répandre, l'effet serait désastreux sur le public, si elle faisaitune fausse couche, <strong>com</strong>me il y en avait eu déjà une aux layettes, l'année précédente.Mouret, qui n'assistait pas à ce conseil, ne put donner son avis que le soir. Mais Deniseavait eu le temps d'intervenir, et il ferma la bouche de Bourdoncle au nom <strong>des</strong> intérêtsmêmes de la maison. On voulait donc ameuter les mères, froisser les jeunesaccouchées de la clientèle ? Pompeusement, il fut décidé que toute vendeuse mariéequi deviendrait enceinte, serait mise chez une sage-femme spéciale, dès que saprésence au <strong>com</strong>ptoir blesserait les bonnes moeurs.Le lendemain, lorsque Denise monta voir à l'infirmerie Pauline, qui avait dû s'aliter à lasuite du coup reçu, celle-ci l'embrassa violemment sur les deux joues.- Que vous êtes gentille ! Sans vous, ils me jetaient dehors...Et ne vous inquiétez pas, le médecin affirme que ce ne sera rien.Baugé, échappé de son rayon, était là, de l'autre côté du lit.Il balbutiait aussi <strong>des</strong> remerciements, troublé devant Denise, qu'il traitait maintenanten personne arrivée et d'une classe supérieure. Ah! s'il entendait encore <strong>des</strong> saletéssur son <strong>com</strong>pte, c'était lui qui fermerait le bec <strong>des</strong> jaloux! Mais Pauline le renvoya, enhaussant amicalement les épaules.- Mon pauvre chéri, tu ne dis que <strong>des</strong> bêtises... Tiens! laisse-nous causer.L'infirmerie était une longue pièce claire, où douze lits s'alignaient, avec leurs rideauxblancs. On y soignait les <strong>com</strong>mis logés dans la maison, lorsqu'ils ne témoignaient pasle désir de rejoindre leurs familles. Mais, ce jour-là, Pauline seule s'y trouvait couchée,près d'une <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> fenêtres, qui ouvraient sur la rue Neuve-Saint-<strong>Au</strong>gustin. Et lesconfidences, les paroles tendres et chuchotées vinrent tout de suite, au milieu de ceslinges candi<strong>des</strong>, dans cet air assoupi, parfumé d'une vague odeur de lavande.- Il fait donc quand même ce que vous voulez?...Comme vous êtes dure, de lui causer tant de peine ! Voyons, expliquez-moi ça,puisque j'ose aborder ce sujet. Vous le détestez ?Elle avait gardé la main de Denise, assise près du lit, accoudée au traversin ; et cettedernière, gagnée par une soudaine émotion, les joues envahies de rougeur, eut unefaiblesse, à cette question directe et inattendue. Son secret lui échappa, elle cacha latête dans l'oreiller, en murmurant :- Je l'aime !Pauline restait stupéfaite.- Comment ! vous l'aimez ? Mais, c'est bien simple : dites oui.Denise, le visage toujours caché, répondait non d'un branle énergique de la tête. Etelle disait non, justement parce qu'elle l'aimait, sans expliquer cela. Certainement,c'était ridicule ; mais elle sentait ainsi, elle ne pouvait se refaire. La surprise de sonamie augmentait, elle demanda enfin :- Alors, tout ça, c'est pour en arriver à ce qu'il vous épouse ?Du coup, la jeune fille se redressa. Elle était bouleversée.- Lui, m'épouser ! oh ! non, oh! je vous jure que je n'ai jamais voulu une pareillechose !... Non, jamais un tel calcul n'est entré dans ma tête, et vous savez que j'aihorreur du mensonge !- Dame ! ma chère, reprit doucement Pauline, vous aurez l'idée de vous faire épouser,que vous ne vous y prendriez pas autrement... Il faudra bien que ça finisse, et il n'y aencore que le mariage, puisque vous ne voulez point de l'autre affaire...194

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