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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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elle avait le visage triste. Sans exiger <strong>des</strong> filles belles, on les voulait agréables, pour lavente.Et, sous les regards de ces dames et de ces messieurs, qui l'étudiaient, qui lapesaient, <strong>com</strong>me une jument que <strong>des</strong> paysans marchandent à la foire, Denise achevaitde perdre contenance.- Votre nom ? demanda la première, la plume à la main, prête à écrire sur le bout d'un<strong>com</strong>ptoir.- Denise Baudu, madame.- Votre âge ?- Vingt ans et quatre mois.Et elle répéta, en se hasardant à lever les yeux sur Mouret, sur ce prétendu chef derayon qu'elle rencontrait toujours, et dont la présence la troublait :- Je n'en ai pas l'air, mais je suis très solide.On sourit. Bourdoncle regardait ses ongles avec impatience. La phrase d'ailleurs tombaau milieu d'un silence décourageant.- Dans quelle maison avez-vous été, à Paris? reprit la première.- Mais, madame, j'arrive de Valognes.Ce fut un nouveau désastre. D'ordinaire, le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong> exigeait de sesvendeuses un stage d'un an dans une <strong>des</strong> petites maisons de Paris. Denise alorsdésespéra ; et, sans la pensée <strong>des</strong> enfants, elle serait partie pour mettre fin à cetinterrogatoire inutile.- Où étiez-vous à Valognes ?- Chez Cornaille.- Je le connais, bonne maison, laissa échapper Mouret.Jamais d'habitude, il n'intervenait dans cet embauchage <strong>des</strong> employés, les chefs derayon ayant la responsabilité de leur personnel. Mais, avec son sens délicat de lafemme, il sentait chez cette jeune fille un charme caché, une force de grâce et detendresse, ignorée d'elle-même. La bonne renommée de la maison de début était d'ungrand poids ; souvent, elle décidait de l'acceptation. Mme <strong>Au</strong>rélie continua d'une voixplus douce :- Et pourquoi êtes-vous sortie de chez Cornaille ?- Des raisons de famille, répondit Denise en rougissant. Nous avons perdu nosparents, j'ai dû suivre mes frères... D'ailleurs, voici un certificat.Il était excellent. Elle re<strong>com</strong>mençait à espérer, quand une dernière question la gêna.- Avez-vous d'autres références à Paris ?... Où demeurez-vous ?- Chez mon oncle, murmura-t-elle, hésitant à le nommer, craignant qu'on ne voulûtjamais de la nièce d'un concurrent.Chez mon oncle Baudu, là, en face.Du coup, Mouret intervint une seconde fois.- Comment, vous êtes la nièce de Baudu I... Est-ce que c'est Baudu qui vous envoie ?.- Oh ! non, monsieur !Et elle ne put s'empêcher de rire, tant l'idée lui parut singulière. Ce fut unetransfiguration. Elle restait rose, et le sourire, sur sa bouche un peu grande, était<strong>com</strong>me un épanouissement du visage entier. Ses yeux gris prirent une flamme tendre,ses joues se creusèrent d'adorables fossettes, ses pâles cheveux eux-mêmessemblèrent voler, dans la gaieté bonne et courageuse de tout son être.- Mais elle est jolie ! dit tout bas Mouret à Bourdoncle.L'intéressé refusa d'en convenir, d'un geste d'ennui. Clara avait pincé les lèvres, tandisque Marguerite tournait le dos.Seule, Mme <strong>Au</strong>rélie approuva Mouret de la tête, quand il reprit :- Votre oncle a eu tort de ne pas vous amener, sa re<strong>com</strong>mandation suffisait... Onprétend qu'il nous en veut. Nous sommes d'esprit plus large, et s'il ne peut occuper sanièce dans sa maison, eh bien ! nous lui montrerons que sa nièce n'a eu qu'à frapper30

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