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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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Jean, étourdi, se sauva. Hors d'haleine, l'inspecteur, qui arrivait, distingua seulementun coin de la blouse blanche et les boucles <strong>des</strong> cheveux blonds, envolés dans le ventdu trottoir.Un instant, il souffla, pour retrouver la correction de sa tenue.Il avait une cravate blanche toute neuve, prise au rayon de la lingerie, et dont lenoeud, très large,luisait <strong>com</strong>me une neige.- Eh bien ! c'est propre, mademoiselle, dit-il, les lèvres tremblantes. Oui, c'est propre,c'est très propre... si vous espérez que je vais tolérer, dans le sous-sol, <strong>des</strong> choses sipropres.Et il la poursuivait de ce mot, tandis qu'elle remontait au magasin, la gorge serréed'émotion, sans trouver une parole de défense. Maintenant, elle était désolée d'avoircouru.Pourquoi ne pas s'expliquer, montrer son frère? On allait encore s'imaginer <strong>des</strong>vilenies; et elle aurait beau jurer, on ne la croirait pas. Une fois de plus, elle oubliaRobineau, elle rentra directement au <strong>com</strong>ptoir.Sans attendre, Jouve se rendit à la direction, pour faire son rapport. Mais le garçon <strong>des</strong>ervice lui dit que le directeur était avec M. Bourdonde et M. Robineau :tous troiscausaient depuis un quart d'heure. La porte, d'ailleurs, restait entrouverte ; onentendait Mouret demander gaiement au <strong>com</strong>mis s'il venait de passer de bonnesvacances; il n'était nullement question d'un renvoi, la conversation au contraire tombasur certaines mesures à prendre dans le rayon.- Vous désirez quelque chose, monsieur Jouve ? cria Mouret.Entrez donc.Mais un instinct avertit l'inspecteur. Bourdoncle étant sorti, Jouve préféra tout luiconter. Lentement, ils suivirent la galerie <strong>des</strong> châles, marchant côte à côte, l'unpenché et parlant très bas, l'autre écoutant, sans qu'un trait de son visage sévèrelaissât voir ses impressions.- C'est bien, finit par dire ce dernier.Et, <strong>com</strong>me ils étaient arrivés devant les confections, il entra. Justement, Mme <strong>Au</strong>réliese fâchait contre Denise. D'où venait-elle encore? cette fois, elle ne dirait peut-êtrepas qu'elle était montée à l'atelier. Vraiment, ces disparitions continuelles nepouvaient se tolérer davantage.- Madame <strong>Au</strong>rélie ! appela Bourdonde.Il se décidait à un coup de force, il ne voulait pas consulter Mouret, de peur d'unefaiblesse. La première s'avança, et de nouveau l'histoire fut contée à voix basse. Toutle rayon attendait, flairant une catastrophe. Enfin, Mme <strong>Au</strong>rélie se tourna, l'airsolennel.- Mademoiselle Baudu...Et son masque empâté d'empereur avait l'immobilité inexorable de la toute-puissance.- Passez à la caisse !La terrible phrase sonna très haut, dans le rayon alors vide de clientes. Denise étaitdemeurée droite et blanche sans un souffle. Puis, elle eut <strong>des</strong> mots entrecoupés.- Moi ! moi !... Pourquoi donc ? qu'ai-je fait ?Bourdonde répondit durement qu'elle le savait, qu'elle ferait mieux de ne pasprovoquer une explication ; et il parla <strong>des</strong> cravates, et il dit que ce serait joli, si toutesces demoiselles voyaient <strong>des</strong> hommes dans le sous-sol.- Mais c'est mon frère ! cria-t-elle avec la colère douloureuse d'une vierge violentée.Marguerite et Clara se mirent à rire, tandis que Mme Frédéric, si discrète d'habitude,hochait également la tête d'un air incrédule. Toujours son frère ! c'était bête à la fin !Alors, Denise les regarda tous : Bourdoncle, qui dès la première heure ne voulait pasd'elle ; Jouve, resté là pour témoigner, et dont elle n'attendait aucune justice ; puis,ces filles qu'elle n'avait pu toucher par neuf mois de coupage souriant, ces fillesheureuses enfin de la pousser dehors. A quoi bon se débattre ? pourquoi vouloir96

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