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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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Bourdonde prit le papier, le plia soigneusement, l'enferma devant elle dans un tiroir,en disant :- Vous voyez qu'il est en <strong>com</strong>pagnie, car ces dames, après avoir parlé de mourir plutôtque de les signer, négligent généralement de venir reprendre leurs billets doux...Enfin, je le tiens à votre disposition. Vous jugerez s'il vaut deux mille francs.Elle achevait de rattacher sa robe, elle retrouvait toute son arrogance, maintenantqu'elle avait payé.- Je puis sortir ? demanda-t-elle d'un ton bref.Déjà Bourdonde s'occupait d'autre chose. Sur le rapport de Jouve, il décidait le renvoide Deloche : ce vendeur était stupide, il se laissait continuellement voler, jamais iln'aurait d'autorité sur les clientes. Mme de Boves répéta sa question, et <strong>com</strong>me ils lacongédiaient d'un signe affirmatif, elle les enveloppa tous deux d'un regard d'assassin.Dans le flot de gros mots qu'elle renfonçait, un cri de mélodrame lui vint aux lèvres.- Misérables ! dit-elle en faisant claquer la porte.Cependant, Blanche ne s'était pas éloignée du cabinet.Son ignorance de ce qui se passait là-dedans, les allées et venues de Jouve et <strong>des</strong>deux vendeuses, la bouleversaient, évoquaient les gendarmes, la cour d'assises, laprison. Mais elle restait béante : Vallagnosc était devant elle, ce mari d'un mois dontle tutoiement la gênait encore ; et il la questionnait en s'étonnant de sa stupeur.- Où est ta mère ?... Vous vous êtes perdues ?... Voyons, réponds-moi, tu m'inquiètes.Pas un mensonge raisonnable ne lui venait aux lèvres.Dans sa détresse, elle dit tout à voix basse.- Maman, maman... Elle a volé...Comment! volé! Enfin, il <strong>com</strong>prit. La face bouffie de sa femme, ce masque blême,ravagé par la peur, l'épouvantait.- De la dentelle, <strong>com</strong>me ça, dans sa manche, continuait-elle à balbutier.- Tu l'as donc vue, tu regardais ? murmura-t-il, glacé de la sentir <strong>com</strong>plice.lls durent se taire, <strong>des</strong> personnes déjà tournaient la tête. Une hésitation pleined'angoisse tint Vallagnosc immobile un moment. Que faire ? et il se décidait à entrerchez Bourdonde, lorsqu'il aperçut Mouret, qui traversait la galerie. Il ordonna à safemme de l'attendre, il saisit le bras de son vieux camarade, qu'il mit au courant, enparoles entrecoupées. Celui-ci s'était hâté de le mener dans son cabinet, où il letranquillisa sur les suites possibles. Il lui assurait qu'il n'avait pas besoin d'intervenir, ilexpliquait de quelle façon les choses allaient certainement se passer, sans paraître luimêmes'émouvoir de ce vol, <strong>com</strong>me s'il l'avait prévu depuis longtemps. MaisVallagnosc, lorsqu'il ne craignit plus une arrestation immédiate, n'accepta pasl'aventure avec cette belle tranquillité. Il s'était abandonné au fond d'un fauteuil, etmaintenant qu'il pouvait raisonner, il se répandait en lamentations sur son propre<strong>com</strong>pte. Était-ce possible ? voilà qu'il était entré dans une famille de voleuses ! Unmariage stupide qu'il avait bâclé, afin d'être agréable au père! Surpris de cetteviolence d'enfant maladif, Mouret le regardait pleurer, en se rappelant l'ancienne posede son pessimisme. Ne lui avait-il pas entendu soutenir vingt fois le néant final de lavie, où il ne trouvait que le mal d'un peu drôle ?<strong>Au</strong>ssi, pour le distraire, s'amusa-t-il une minute à lui prêcher l'indifférence sur un tonde plaisanterie amicale. Et, du coup, Vallagnosc se fâcha : il ne pouvait décidémentrattraper sa philosophie <strong>com</strong>promise, toute son éducation bourgeoise repoussait enindignations vertueuses contre sa belle-mère. Dès que l'expérience tombait sur lui, aumoindre effleurement de la misère humaine, dont il ricanait à froid, le sceptiquefanfaron s'abattait et saignait. C'était abominable, on traînait dans la boue l'honneurde sa race, le monde semblait en craquer.- Allons, calme-toi, conclut Mouret pris de pitié. Je ne te dirai plus que tout arrive etque rien n'arrive, puisque cela n'a pas l'air de te consoler en ce moment. Mais je croisque tu devrais aller donner ton bras à Mme de Boves, ce qui serait plus sage que de230

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