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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Comment ! vous êtes levée ! cria la première. C'est une imprudence, ma chèreenfant. Je montais justement prendre de vos nouvelles et vous dire que nous n'avonspas besoin de vous, en bas.Denise lui assura qu'elle allait mieux, que cela lui ferait du bien de s'occuper, de sedistraire.- Je ne me fatiguerai pas, madame. Vous m'installerez sur une chaise, je travailleraiaux écritures.Toutes deux <strong>des</strong>cendirent. Très prévenante, Mme <strong>Au</strong>rélie l'obligeait à s'appuyer surson épaule. Elle avait dû remarquer les yeux rouges de la jeune fille, car ellel'examinait à la dérobée. Sans doute, elle savait bien <strong>des</strong> choses.C'était une victoire inespérée : Denise avait enfin conquis le rayon. Après s'être jadisdébattue pendant près de dix mois, au milieu de ses tourments de souffre-douleur,sans lasser le mauvais vouloir de ses camara<strong>des</strong>, elle venait en quelques semaines deles dominer, de les voir autour d'elle souples et respectueuses. La brusque tendressede Mme <strong>Au</strong>rélie l'avait beaucoup aidée, dans cette ingrate besogne de se concilier lescoeurs; on racontait tout bas que la première était la <strong>com</strong>plaisante de Mouret, qu'ellelui rendait <strong>des</strong> services délicats; et elle prenait si chaudement la jeune fille sous saprotection, qu'on devait en effet la lui re<strong>com</strong>mander, d'une façon spéciale. Mais celleciavait également travaillé de tout son charme pour désarmer ses ennemies. La tâcheétait d'autant plus rude, qu'il lui fallait se faire pardonner sa nomination au poste <strong>des</strong>econde.Ces demoiselles criaient à l'injustice, l'accusaient d'avoir gagné ça au <strong>des</strong>sert, avec lepatron; même elles ajoutaient <strong>des</strong> détails abominables. Malgré leurs révoltes pourtant,le titre de seconde agissait sur elles, Denise prenait une autorité, qui étonnait et pliaitles plus hostiles. Bientôt, elle trouva <strong>des</strong> flatteuses, parmi les dernières venues. Sadouceur et sa mo<strong>des</strong>tie achevèrent la conquête. Marguerite se rallia. Et Clara seulecontinua de se montrer mauvaise, risquant encore l'ancienne injure de "mal peignée",qui maintenant n'égayait personne. Pendant la courte fantaisie de Mouret, elle en avaitabusé pour lâcher la besogne, d'une paresse bavarde et vaniteuse ; puis, <strong>com</strong>me ils'était lassé tout de suite, elle ne récriminait même pas, incapable de jalousie dans ladébandade galante de son existence, simplement satisfaite d'en tirer le bénéfice d'êtretolérée à ne rien faire. Seulement, elle considérait que Denise lui avait volé lasuccession de Mme Frédéric. Jamais elle ne l'aurait acceptée, à cause du tracas; maiselle était vexée du manque de politesse, car elle avait les mêmes titres que l'autre, et<strong>des</strong> titres antérieurs.- Tiens! voilà qu'on sort l'accouchée, murmura-t-elle, quand elle aperçut Mme <strong>Au</strong>rélieamenant Denise à son bras.Marguerite haussa les épaules, en disant:- Si vous croyez que c'est drôle !Neuf heures sonnaient. <strong>Au</strong>-dehors, un ciel d'un bleu ardent chauffait les rues, <strong>des</strong>fiacres roulaient vers les gares, toute la population endimanchée gagnait en longuesfiles les bois de la banlieue. Dans le magasin, inondé de soleil par les gran<strong>des</strong> baiesouvertes, le personnel enfermé venait de <strong>com</strong>mencer l'inventaire. On avait retiré lesboutons <strong>des</strong> portes, <strong>des</strong> gens s'arrêtaient sur le trottoir ,regardant par les glaces,étonnés de cette fermeture, lorsqu'on distinguait à l'intérieur une activitéextraordinaire. C'était, d'un bout à l'autre <strong>des</strong> galeries, du haut en bas <strong>des</strong> étages, unpiétinement d'employés, <strong>des</strong> bras en l'air, <strong>des</strong> paquets volant par-<strong>des</strong>sus les têtes; etcela au milieu d'une tempête de cris, de chiffres lancés, dont la confusion montait etse brisait en un tapage assourdissant. Chacun <strong>des</strong> trente-neuf rayons faisait sabesogne à part, sans s'inquiéter <strong>des</strong> rayons voisins. D'ailleurs, on attaquait à peine lescasiers, il n'y avait encore par terre que quelques pièces d'étoffe. La machine devaits'échauffer, si l'on voulait finir le soir même.- Pourquoi <strong>des</strong>cendez-vous? reprit Marguerite obligeamment, en s'adressant à Denise.Vous allez vous faire du mal, et nous avions le monde nécessaire.150

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