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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Pourquoi donc, madame ? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux pour elle épouser un bravegarçon, un gros travailleur, que de courir le risque d'être ramassée par <strong>des</strong> fainéantssur le trottoir?Vallagnosc voulut intervenir, en plaisantant.- Ne le poussez pas, madame. Il va vous dire que toutes les vieilles familles de Francedevraient se mettre à vendre du calicot.- Mais, déclara Mouret, pour beaucoup d'entre elles ce serait au moins une finhonorable.On finit par rire, le paradoxe semblait un peu fort. Lui, continuait à célébrer ce qu'ilappelait l'artistocratie du travail. Une faible rougeur avait coloré les joues de Mme deBoves, que sa gêne réduite aux expédients enrageait ; tandis que Mme Marty, aucontraire, approuvait, prise de remords, en songeant à son pauvre mari. Justement, ledomestique introduisit le professeur, qui venait la chercher. Il était plus sec, plus<strong>des</strong>séché par ses dures besognes, dans sa mince redingote, luisante. Quand il eutremercié Mme Desforges d'avoir parlé pour lui au ministère, il jeta vers Mouret leregard craintif d'un homme qui rencontre le mal dont il mourra. Et il resta saisid'entendre ce dernier lui adresser la parole.- N'est-ce pas, monsieur, que le travail mène à tout ?- Le travail et l'épargne, répondit-il avec un léger grelottement de tout son corps.Ajoutez l'épargne, monsieur.Cependant, Bouthemont était demeuré immobile dans son fauteuil. Les paroles deMouret sonnaient encore à ses oreilles.Il se leva enfin, il vint dire tout bas à Henriette :- Vous savez qu'il m'a signifié mon congé, oh ! très gentiment... Mais du diable s'il nes'en repent pas ! Je viens de trouver mon enseigne : <strong>Au</strong>x Quatre Saisons, et je meplante près de l'Opéra !Elle le regarda, ses yeux s'assombrirent.- Comptez sur moi, j'en suis... Attendez.Et elle attira le baron Hartmann dans l'embrasure d'une fenêtre. Sans attendre, elle luire<strong>com</strong>manda Bouthemont, le donna <strong>com</strong>me un gaillard qui allait à son tourrévolutionner Paris, en s'établissant à son <strong>com</strong>pte. Quand elle parla d'une <strong>com</strong>manditepour son nouveau protégé; le baron, bien qu'il ne s'étonnât plus de rien, ne putréprimer un geste d'effarement. C'était le quatrième garçon de génie qu'elle luiconfiait, il finissait par se sentir ridicule. Mais il ne refusa pas nettement, l'idée de fairenaître une concurrence au <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong> lui plaisait même assez ; car il avaitdéjà inventé, en matière de banque, de se créer ainsi <strong>des</strong> concurrences, pour endégoûter les autres. Puis, l'aventure l'amusait. Il promit d'examiner l'affaire.- Il faut que nous causions ce soir, revint dire Henriette à l'oreille de Bouthemont. Versneuf heures, ne manquez pas...Le baron est à nous.À ce moment, la vaste pièce s'emplissait de voix. Mouret, toujours debout au milieu deces dames, avait retrouvé sa bonne grâce : il se défendait gaiement de les ruiner enchiffons, il offrait de démontrer, chiffres en main, qu'il leur faisait économiser trentepour cent sur leurs achats. Le baron Hartmann le regardait, repris d'une admirationfraternelle d'ancien coureur de guilledou. Allons ! le duel était fini, Henriette restait parterre, elle ne serait certainement pas la femme qui devait venir. Et il crut revoir leprofil mo<strong>des</strong>te de la jeune fille, qu'il avait aperçue en traversant l'anti-chambre. Elleétait là, patiente, seule, redoutable dans sa douceur.XIICe fut le 25 septembre que <strong>com</strong>mencèrent les travaux de la nouvelle façade du<strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>. Le baron Hartmann, selon sa promesse, avait enlevé l'affaire,177

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