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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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Écoutez, je dois vous prévenir que tout le monde a la même pensée : oui, on estpersuadé que vous lui tenez la dragée haute pour le mener devant M. le maire... MonDieu ! quelle drôle de femme vous êtes !Et elle dut consoler Denise, qui était retombée la tête sur le traversin, sanglotant,répétant qu'elle finirait par s'en aller, puisqu'on lui prêtait sans cesse toutes sortesd'histoires, qui ne pouvaient seulement lui entrer dans le crâne. Sans doute, quand unhomme aimait une femme, il devait l'épouser. Mais elle ne demandait rien, elle necalculait rien, elle suppliait seulement qu'on la laissât vivre tranquille, avec seschagrins et ses joies, <strong>com</strong>me tout le monde. Elle s'en irait.A la même minute, en bas, Mouret traversait les magasins.Il avait voulu s'étourdir en visitant les travaux une fois encore.Des mois s'étaient écoulés, la façade dressait maintenant ses lignes monumentales,derrière la vaste chemise de planches qui la cachait au public. Toute une armée dedécorateurs se mettaient à l'oeuvre : <strong>des</strong> marbriers, <strong>des</strong> faïenciers, <strong>des</strong> mosaïstes ; ondorait le groupe central, au-<strong>des</strong>sus de la porte, tandis que, sur l'acrotère, on scellaitdéjà les pié<strong>des</strong>taux qui devaient recevoir les statues <strong>des</strong> villes manufacturières de laFrance. Du matin au soir, le long de la rue du Dix-Décembre, ouverte depuis peu,stationnait une foule de badauds, le nez en l'air, ne voyant rien, mais préoccupés <strong>des</strong>merveilles qu'on se racontait de cette façade dont l'inauguration allait révolutionnerParis. Et c'était sur ce chantier enfiévré de travail, au milieu <strong>des</strong> artistes achevant laréalisation de son rêve, <strong>com</strong>mencée par les maçons, que Mouret venait de sentir plusamèrement que jamais la vanité de sa fortune. La pensée de Denise lui avaitbrusquement serré la poitrine, cette pensée qui, sans relâche, le traversait d'uneflamme, <strong>com</strong>me l'élancement d'un mal inguérissable. Il s'était enfui, il n'avait pastrouvé un mot de satisfaction, craignant de montrer ses larmes, laissant derrière lui ledégoût du triomphe. Cette façade, qui se trouvait debout enfin, lui semblait petite,pareille à un de ces murs de sable que les gamins bâtissent, et l'on aurait pu laprolonger d'un faubourg de la cité à l'autre, l'élever jusqu'aux étoiles, elle n'aurait pasrempli le vide de son coeur, que le seul " oui " d'une enfant pouvait <strong>com</strong>bler.Lorsque Mouret rentra dans son cabinet, il étouffait de sanglots contenus. Que voulaitelledonc ? il n'osait plus lui offrir de l'argent, l'idée confuse d'un mariage se levait, aumilieu de ses révoltes de jeune veuf. Et, dans l'énervement de son impuissance, seslarmes coulèrent. Il était malheureux.195

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