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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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Valenciennes, de Chantilly, les doigts tremblants de désir, le visage peu à peu chaufféd'une joie sensuelle ; tandis que Blanche, près d'elle, travaillée de la même passion,était très pâle, la chair soufflée et molle.Cependant, la conversation continuait, Hutin les aurait giflées, immobile, attendantleur bon plaisir.- Tiens! dit Mme Marty, vous regardez <strong>des</strong> cravates et <strong>des</strong> voilettes pareilles auxmiennes.C'était vrai, Mme de Boves, que les dentelles de Mme Marty tourmentaient depuis lesamedi, n'avait pu résister au besoin de se frotter du moins aux mêmes modèles,puisque la gêne où son mari la laissait ne lui permettait pas de les emporter.Elle rougit légèrement, elle expliqua que Blanche avait voulu voir les cravates deblonde espagnole. Puis, elle ajouta :- Vous allez aux confections... Eh bien ! à tout à l'heure.Voulez-vous dans le salon oriental ?- C'est ça, dans le salon oriental... Hein ? superbe !Elles se séparèrent en se pâmant, au milieu de l'en<strong>com</strong>brement produit par la vente<strong>des</strong> entre-deux et <strong>des</strong> petites garnitures à bas prix. Deloche, heureux d'être occupé,s'était remis à vider les cartons devant la mère et la fille. Et, lentement, parmi lesgroupes pressés le long <strong>des</strong> <strong>com</strong>ptoirs, l'inspecteur Jouve se promenait de son alluremilitaire, étalant sa décoration, gardant ces marchandises précieuses et fines, sifaciles à cacher au fond d'une manche. Quand il passa derrière Mme de Boves, surprisde la voir les bras plongés dans un tel flot de dentelles, il jeta un regard vif sur sesmains fiévreuses.- A droite, mesdames, dit Hutin en reprenant sa marche.Il était hors de lui. N'était-ce donc pas assez de lui faire manquer une vente, en bas?Voilà qu'elles l'attardaient maintenant, à chaque détour du magasin ! Et, dans sonirritation, il y avait surtout la rancune <strong>des</strong> rayons de tissus contre les rayons d'articlesconfectionnés, en lutte continuelle, se disputant les clientes, se volant leur tant pourcent et leur guelte. La soie, plus que les lainages encore, enrageait, lorsqu'il lui fallaitconduire aux confections une dame, qui se décidait pour un manteau, après s'être faitmontrer <strong>des</strong> taffetas et <strong>des</strong> failles.- Mademoiselle Vadon ! dit Hutin d'une voix qui se fâchait, lorsqu'il fut enfin dans le<strong>com</strong>ptoir.Mais celle-ci passa sans l'écouter, toute à une vente qu'elle bâclait. La pièce étaitpleine, une queue de monde la traversait dans un bout, entrant et sortant par la porte<strong>des</strong> dentelles et celle de la lingerie, qui se faisaient face; tandis que, au fond, <strong>des</strong>clientes en taille essayaient <strong>des</strong> vêtements, les reins cambrés devant les glaces. Lamoquette rouge étouffait le bruit <strong>des</strong> pas, la voix haute et lointaine du rez-dechausséese mourait, ce n'était plus que le murmure discret; la chaleur d'un salon,alourdie par toute une cohue de femmes.- Mademoiselle Prunaire ! cria Hutin.Et, <strong>com</strong>me celle-là ne s'arrêtait pas davantage, il ajouta entre ses dents, de manière àne pouvoir être entendu:- Tas de guenons!Lui, surtout, ne les aimait guère,les jambes cassées de monter l'escalier pour leuramener <strong>des</strong> acheteuses, furieux du gain qu'il les accusait de lui prendre ainsi dans lapoche.C'était une lutte sourde, où elles-mêmes apportaient une égale âpreté; et, dans leurfatigue <strong>com</strong>mune, toujours sur pied, la chair morte, les sexes disparaissaient, il nerestait plus face à face que <strong>des</strong> intérêts contraires, irrités par la fièvre du négoce.- Alors, il n'y a personne ? demanda Hutin.Mais il aperçut Denise. On l'occupait au déplié depuis le matin, on ne lui avaitabandonné que quelques ventes douteuses, qu'elle avait manquées d'ailleurs. Quand il60

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