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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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achats. Le jeune ménage devait ac<strong>com</strong>pagner Denise à Valognes : un vrai voyage denoces, un mois de vacances dans les souvenirs d'autrefois.- Imagine-toi, répondit-il, que Thérèse a oublié une foule d'affaires. Il y a <strong>des</strong> choses àchanger, d'autres à prendre...Alors, <strong>com</strong>me elle est pressée, elle m'a envoyé avec ce paquet...Je vais t'expliquer...Mais elle l'interrompit, en apercevant Pépé.- Tiens ! Pépé aussi ! et le collège ?- Ma foi, dit Jean, après le dîner, hier dimanche, je n'ai pas eu le courage de lereconduire. Il rentrera ce soir... Le pauvre enfant est assez triste de rester enfermé àParis, lorsque nous nous promènerons là-bas.Denise leur souriait, malgré son tourment. Elle confia Mme Bourdelais à une de sesvendeuses, elle revint vers eux, dans un coin du rayon, qui heureusement sedégarnissait. Les petits, ainsi qu'elle les nommait encore, étaient à cette heure degrands gaillards. Pépé, à douze ans, la dépassait déjà, plus gros qu'elle, toujours muetet vivant de caresses, d'une douceur câline dans sa tunique de collégien ; tandis queJean, carré <strong>des</strong> épaules, la dominant de toute la tête, gardait sa beauté de femme,avec sa chevelure blonde, envolée sous le coup de vent <strong>des</strong> ouvriers artistes. Et elle,restée mince, pas plus grosse qu'une mauviette, <strong>com</strong>me elle disait, conservait entreeux son autorité inquiète de mère, les traitait en gamins qu'il faut soigner,reboutonnant la redingote de Jean pour qu'il n'eût pas l'air d'un coureur, s'assurantque Pépé avait un mouchoir propre. Ce jour-là, quand elle vit les yeux gros de cedernier, elle le sermonna doucement.- Sois raisonnable, mon petit. On ne peut pas interrompre tes étu<strong>des</strong>. Je t'emmèneraiaux vacances... As-tu envie de quelque chose, hein ? Tu préfères que je te laisse <strong>des</strong>sous, peut-être.Puis, elle revint vers l'autre.- <strong>Au</strong>ssi, toi, petit, tu lui montes la tête, tu lui fais croire que nous allons nous amuser!... Tâchez donc d'avoir un peu de raison.Elle avait donné à l'aîné quatre mille francs, la moitié de ses économies, pour qu'il pûtinstaller son ménage. Le cadet lui coûtait gros au collège, tout son argent allait à eux,<strong>com</strong>me autrefois. lls étaient sa seule raison de vivre et de travailler, puisque, denouveau, elle jurait de ne se marier jamais.- Enfin, voici, reprit Jean. Il y a d'abord, dans ce paquet, le paletot havane queThérèse...Mais il s'arrêta, et Denise en se tournant pour voir ce qui l'intimidait, aperçut Mouretdebout derrière eux. Depuis un instant, il la regardait faire son ménage de petitemère, entre les deux gaillards, les grondant et les embrassant, les retournant <strong>com</strong>me<strong>des</strong> bébés qu'on change de linge. Bourdoncle était resté à l'écart, l'air intéressé par lavente ; et il ne perdait pas la scène <strong>des</strong> yeux.- Ce sont vos frères, n'est-ce pas ? demanda Mouret, après un silence.Il avait sa voix glacée, cette attitude rigide dont il lui parlait à présent. Denise ellemêmefaisait un effort, afin de rester froide. Son sourire s'effaça, elle répondit :- Oui, monsieur... J'ai marié l'aîné, et sa femme me l'envoie, pour <strong>des</strong> emplettes.Mouret continuait à les regarder tous les trois. Il finit par reprendre :- Le plus jeune a beaucoup grandi. Je le reconnais, je me souviens de l'avoir vu auxTuileries, un soir, avec vous.Et sa voix, qui se ralentissait, eut un léger tremblement. Elle, suffoquée, se baissa,sous le prétexte d'arranger le ceinturon de Pépé. Les deux frères, devenus roses,souriaient au patron de leur soeur.- Ils vous ressemblent, dit encore celui-ci.- Oh ! cria-t-elle, ils sont plus beaux que moi.Un moment, il sembla <strong>com</strong>parer les visages. Mais il était à bout de forces. Comme elleles aimait ! Et il fit quelques pas ; puis, il revint lui dire à l'oreille :220

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