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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Plus tard, répondit-il, lorsque je serai en mesure de tenir mes promesses.Elle n'eut pas un geste, elle dit seulement :- Notre fille en mourra.Baudu se retint, soulevé de colère. C'était lui, qui en mourrait, si on le bouleversaitainsi continuellement ! Était-ce sa faute? Il aimait sa fille, il parlait de donner son sangpour elle ; mais il ne pouvait cependant pas faire que la. maison marchât quand ellene voulait plus marcher. Geneviève devait avoir un peu de raison et patienter jusqu'àun meilleur inventaire. Que diable ! Colomban restait là, personne ne le lui volerait !- C'est incroyable ! répétait-il, une fille si bien élevée! Mme Baudu n'ajouta rien. Sansdoute elle avait deviné les tortures jalouses de Geneviève ; mais elle n'osa les confierà son mari. Une singulière pudeur de femme l'avait toujours empêchée d'aborder aveclui certains sujets de tendresse délicate. Quand il la vit muette, il tourna sa colèrecontre les gens d'en face, il tendait les poings dans le vide, du côté du chantier, oùl'on posait, cette nuit-là, <strong>des</strong> charpentes de fer, à grands coups de marteau.Denise allait rentrer au <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>. Elle avait <strong>com</strong>pris que les Robineau,forcés de restreindre leur personnel, ne savaient <strong>com</strong>ment la congédier. Pour tenirencore, il leur fallait tout faire par eux-mêmes ; Gaujean, obstiné dans sa rancune,allongeait les crédits, promettait même de leur trouver <strong>des</strong> fonds ; mais la peur lesprenait, ils voulaient tenter de l'économie et de l'ordre. Pendant quinze jours, Deniseles sentit gênés avec elle ; et elle dut parler la première, dire qu'elle avait une placeautre part. Ce fut un soulagement, Mme Robineau l'embrassa, très émue, en jurantqu'elle la regretterait toujours. Puis, lorsque, sur une question, la jeune fille réponditqu'elle retournait chez Mouret, Robineau devint pâle.- Vous avez raison ! cria-t-il violemment.Il était moins facile d'annoncer la nouvelle au vieux Bourras.Pourtant, Denise devait lui donner congé, et elle tremblait, car elle lui gardait une vivereconnaissance. Bourras, justement, ne décolérait plus, en plein dans le vacarme duchantier voisin. Les voitures de matériaux barraient sa boutique; les pioches tapaientdans ses murs ; tout, chez lui, les parapluies et les cannes, dansait au bruit <strong>des</strong>marteaux. Il semblait que la masure, s'entêtant au milieu de ces démolitions, allait sefendre. Mais le pis était que l'architecte, pour relier les rayons existants du magasin,avec les rayons qu'on installait dans l'ancien Hôtel Duvillard, avait imaginé de creuserun passage, sous la petite maison qui les séparait. Cette maison appartenant à lasociété Mouret et Cie, et le bail portant que le locataire devrait supporter les travauxde réparation, <strong>des</strong> ouvriers se présentèrent un matin. Du coup, Bourras faillit avoirune attaque. N'était-ce pas assez de l'étrangler de tous les côtés, à gauche, à droite,derrière ? il fallait encore qu'on le prît par les pieds, qu'on mangeât la terre sous lui !Et il avait chassé les maçons, il plaiderait. Des travaux de réparation, soit ! maisc'étaient là <strong>des</strong> travaux d'embellissement. Le quartier pensait qu'il gagnerait, sanspourtant jurer de rien. En tout cas, le procès menaçait d'être long, on se passionnaitpour ce duel interminable.Le jour où Denise résolut enfin de lui donner congé, Bourras revenait précisément dechez son avocat.- Croyez-vous ! cria-t-il, ils disent maintenant que la maison n'est pas solide, ilsprétendent établir qu'il faut en reprendre les fondations... Parbleu ! ils sont las de lasecouer, avec leurs sacrées machines. Ce n'est pas étonnant, si elle se casse !Puis, quand la jeune fille lui eut annoncé qu'elle partait, qu'elle rentrait au <strong>Bonheur</strong>avec mille francs d'appointements, il fut si saisi, qu'il leva seulement vers le ciel sesvieilles mains tremblantes. L'émotion l'avait fait tomber sur une chaise.- Vous ! vous ! balbutia-t-il. Enfin, il n'y a que moi, il ne reste plus que moi ! <strong>Au</strong> boutd'un silence, il demanda :- Et le petit ?- Il retournera chez Mme Gras, répondit Denise. Elle l'aimait beaucoup.123

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