RDT - Numéro spécial concernant la révision - VBK-CAT

Abrecht, Les conditions du placement à des fins d’assistance ZVW 5/2003
quises (affaiblissement pouvant aboutir à un état démentiel irréversible) 14 . Dans
l’un et l’autre cas, le caractère, l’affectivité, le comportement social et l’adaptation
du sujet peuvent être conjointement affectés 15 , le cas échéant dans une mesure
telle que l’assistance nécessaire ne pourra être fournie qu’au moyen d’un
placement (cf. infra 2.2).
2.1.3. L’art. 416 AP reprend enfin comme cause de placement le grave état
d’abandon. Cette cause vise selon la jurisprudence un état de déchéance qui n’est
plus conciliable avec la dignité humaine 16 . Il faut considérer que l’état d’abandon
est grave lorsqu’une personne n’est plus capable de prendre seule les dispositions
minimales en matière d’hygiène et d’alimentation 17 .
La commission d’experts a apparemment jugé utile de maintenir le grave état
d’abandon comme cause autonome de placement, tout en soulignant qu’il est
très rare qu’une personne soit placée pour cette raison : en effet, cet état sera le
plus souvent lui-même la conséquence d’une déficience mentale, de troubles psychiques
ou d’une pathologie de dépendance 18 . De fait, le grave état d’abandon est
difficile à analyser comme une cause de placement, tant il se confond en réalité
avec la condition de cette mesure (à savoir un besoin d’assistance personnelle, cf.
infra 2.2), quelle qu’en puisse être la cause. D’un point de vue médical, ce n’est
d’ailleurs pas un diagnostic, mais un symptôme 19 . On ne saurait dès lors exclure
le risque que ce motif de placement puisse être vu comme une porte ouverte
pour détourner le caractère exhaustif de la liste des causes de placement 20 .
On peut en outre sérieusement se demander si un tel motif de placement est
couvert par l’art. 5 § 1 let. e CEDH, la notion de vagabondage énoncée par cette
disposition pouvant difficilement s’étendre à celle d’abandon. La Cour européenne
des droits de l’homme n’a pas eu à trancher cette question lorsqu’elle a
été soulevée récemment devant elle. La majorité de la Cour a en effet considéré,
dans le cas qui lui était soumis, que le placement de la requérante dans un foyer
médicalisé pour personnes âgées, en vue de lui procurer les soins médicaux nécessaires
et des conditions de vie et d’hygiène adéquates, ne constituait pas une
privation de liberté au sens de l’article 5 § 1 CEDH 21 .
Il n’existe pas de statistiques fédérales sur le nombre de cas de placement pour
cause de grave état d’abandon en Suisse. Ce nombre a été estimé à environ 300
cas par an. Toutefois, la plupart des cantons ne distinguent pas sur le plan statistique
cette cause de placement des autres causes mentionnées à l’art. 397a CC.
De plus, comme on l’a vu, le grave état d’abandon est très souvent lié à des causes
14
Juillet et al., op. cit., p. 94; cf. Rapport, ad art. 377 AP p. 32.
15
Juillet et al., op. cit., p. 94.
16
ATF 128 III 12 consid. 3.
17
Cf. le document cité sous note 22 infra, p. 63.
18
Rapport, ad art. 416 AP p. 60; cf. ATF 128 III 12 consid. 3.
19
Cf. le document cité sous note 22 infra, p. 65.
20
Cf. Deschenaux/Steinauer, op. cit., n. 1168.
21
Arrêt H.M. contre Suisse du 26 février 2002, reproduit in JAAC 2002 n° 106 p. 1273 ss, ch. 29–37;
cf. ch. 22–23 pour les arguments de la requérante et ch. 25–27 pour ceux du Gouvernement suisse.
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