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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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Si ses citations sont exactes, Catelan n’en force pas moins quelque peu des<br />

sources qui ne font pas toutes grand cas de la corne de licorne, s’abritant qui<br />

derrière les formulations impersonnelles permises par le passif latin, qui derrière un<br />

simple «on dit que…». Jean Fernel (1497-1558), le plus célèbre des médecins cités<br />

ici, était de ceux qui prenaient quelque distance avec les textes de Galien. Mais<br />

dans les huit cents pages de sa thérapeutique, la corne de licorne n’apparaît qu’une<br />

seule fois, au chapitre XXI du cinquième livre, traitant des médicaments<br />

cardiaques, et c’est le passage cité par Catelan 110 . Les contrepoisons sont traités<br />

plus loin, au livre VII qui traite des antidotes solides qui fortifient particulièrement<br />

les parties nobles, et la licorne n’y figure point.<br />

La même remarque peut être faite à propos de Laurent Joubert (1529-<br />

1582), médecin montpelliérain, personnage que son bon sens et son tempérament<br />

peuvent faire comparer à son contemporain plus connu Ambroise Paré. Dans son<br />

long traité de la peste, après avoir assuré que «le premier remède et le principal<br />

est de prier Dieu» mais que «le plus expédient et le plus prompt est la fuite 111 », il<br />

énumère avec une grande prudence les médications utilisées de son temps, et là<br />

encore la licorne n’apparaît qu’une fois en plus de deux cents pages, bien moins<br />

souvent que le bol d’Arménie, la thériaque ou la terre scellée. Du paragraphe<br />

duquel Laurent Catelan a extrait sa citation, il ressort que Joubert croyait certes<br />

fermement à l’existence de la licorne, mais restait assez prudent quant à ses<br />

propriétés médicinales: «Or est-il que toutes ces pierres [topaze et agate] se<br />

portent enchâssées dans des anneaux, on les porte pendantes au col jusques à la<br />

région du cœur, ou on les tient en bouche pour les sucer, ou bien on les mêle<br />

parmi les viandes de manière que l’on croit (quoi que ce soit vain, à mon avis) que<br />

le venin s’évanouit ou s’amortit par ce moyen là. A cette même intention on s’aide<br />

de la vraie corne, et non feinte, de cet animal, lequel à ces fins a été dit des Latins<br />

unicornis. Pline l’appelle en grec monocerota. Le commun la nomme licorne. Sa<br />

110 Signalons cependant, pour être complet, que, dans ce même livre V, la corne de<br />

licorne apparaît aussi incidemment dans une recette de poudre médicinale:<br />

«Prenez corne de cerf et de licorne, perles luisantes, limaille d’ivoire de chacun<br />

six grains, soit faite poudre fort déliée pour prendre avec la cuillère, étant délayée<br />

dans eau de buglose et vin blanc. Avec deux dragmes de cette poudre que l’on met<br />

dans trois onces de sucre blanc délayé dans l’eau de rose, on forme les tablettes<br />

qu’on appelle Manus Christi; on y met aussi quelquefois un peu d’ambre. Il s’en fait<br />

contre la pestilence en cette manière.»<br />

Les sept Livres de la thérapeutique médicale de Messire Jean Fernel, premier<br />

médecin de Henry II, Paris, 1548, p.425.<br />

111 Laurent Joubert, Traité de la peste, Toulouse, 1581, p.66.<br />

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