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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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de Paracelse, ces deux paradigmes n’en permettaient pas moins de construire un<br />

véritable débat théorique, scientifiquement fondé, sur le sujet.<br />

En revanche, la controverse sur l’existence de la licorne restait littéraire, et<br />

à l’occasion théologique. La bête unicorne n’était connue des Européens que par<br />

des témoignages, et c’est donc essentiellement la valeur de ces autorités qui était<br />

discutée, et non la vraisemblance d’un animal qui contredisait d’autant moins les<br />

données de l’époque que la zoologie ne disposait pas, malgré l’Histoire des<br />

animaux d’Aristote, d’un corpus théorique comparable à celui de la science<br />

médicale 119 . En témoigne éloquemment le fait que les traités d’histoire naturelle<br />

rangeaient encore au XVIIème siècle les animaux dans l’ordre alphabétique, alors<br />

que les ouvrages de médecine usaient depuis longtemps déjà de savantes<br />

typologies. Seules pouvaient alors paraître clairement merveilleuses les légendes<br />

médiévales sur la chasse à la licorne, mais rien n’empêchait d’admettre la réalité<br />

de l’animal en récusant, dans les récits s’y rapportant, ce qui s’apparentait trop aux<br />

contes de fées.<br />

L’argument essentiel des opposants à la licorne restait la contradiction des<br />

témoignages, aussi bien anciens que récents. Tant par son apparence que par son<br />

tempérament, la licorne de Pline n’était pas celle d’Aristote, qui elle-même n’était<br />

pas celle de Barthema, et moins encore celle de Marco Polo ou de Garcia da Orta.<br />

Quant aux cornes de licorne précieusement conservées par les grands de ce<br />

monde, elles ne ressemblaient en rien aux descriptions qu’en avaient donné les<br />

classiques. On soupçonnait en outre que nombre d’entre elles avaient une origine<br />

marine. Enfin, si les Romains avaient réellement connu la licorne, ils n’auraient pas<br />

manqué de la présenter dans leurs jeux ou leurs triomphes.<br />

Les défenseurs de l’animal répondaient que ni l’ignorance que l’on avait de<br />

la licorne, ni les excès de certaines légendes à son sujet, ne suffisaient à prouver<br />

son inexistence. La diversité des descriptions ne les arrêtait pas non plus, car la<br />

licorne pouvait très bien prendre un aspect différent selon la région où elle vivait,<br />

et pouvait par ailleurs avoir été, à l’occasion, confondue avec un autre animal. La<br />

licorne avait pu rester inconnue des Romains, il se pouvait aussi qu’ils ne fussent<br />

119 Ce n’est qu’au XIXème siècle que Georges Cuvier discuterait de la<br />

vraisemblance anatomique d’une corne unique. L’histoire naturelle du XVIIème<br />

siècle étant purement descriptive, et non analytique, tout, ou presque, y restait<br />

possible.<br />

-184-

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