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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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d’une peau de ce dernier, et même d’un morceau de corne. Le cosmographe avait<br />

effectivement séjourné au Brésil, mais son récit concernant le pirassouppi doit<br />

pourtant ici être considéré comme imaginé, car il ne figure pas dans les<br />

Singularités de la France antarctique. En effet, ce livre publié par Thevet en 1557,<br />

peu après son voyage outre Atlantique, rapportait encore des observations réelles,<br />

avec notamment des descriptions du paresseux ou du tapir, alors que les ouvrages<br />

ultérieurs du cosmographe devenu sédentaire ne font plus guère appel qu’à la<br />

compilation et l’imagination. S’il avait effectivement connu, ou cru connaître, un tel<br />

animal au Brésil, nul doute que Thevet n’aurait pas attendu la Cosmographie de<br />

1575 pour en informer ses lecteurs.<br />

Le pirassouppi remplit dans le texte du cosmographe une fonction proche de<br />

celle du camphur. Le Gentil Traité de la licorne de Thevet, dont l’argumentation est<br />

en partie à la base du Discours de la licorne d’Ambroise Paré, n’occupe pas moins<br />

de quatre feuillets de la Cosmographie universelle. La licorne était un sujet<br />

«porteur», comme on le dirait aujourd’hui, et Thevet ne pouvait l’ignorer. Pourtant,<br />

voulant afficher son modernisme, son originalité et son scepticisme, il était amené<br />

à nier l’existence de l’animal. L’invention du Pirassouppi lui permettait donc<br />

d’enrichir son traité d’un récit prétendument «vécu», ce qui était la base de sa<br />

méthode cosmographique, et surtout d’insérer dans l’ouvrage une gravure faisant<br />

penser à la licorne 27 . D’ailleurs le pirassouppi bicorne est bien à sa manière, plus<br />

peut-être que le camphruch unicorne, une licorne. Il en a l’aspect général et sa<br />

corne, identique en tous points aux cornes de licorne connues en Europe, a bien<br />

sûr les mêmes propriétés alexitères.<br />

Les cosmographies d’André Thevet ne sont pas toujours bien structurées.<br />

Souvent, elles ne sont qu’une suite de digressions plus ou moins originales sur une<br />

trame, un voyage mi vécu, mi-imaginé, qui n’est plus que prétexte. C’est dans sa<br />

Description de la France antarctique, récit d’un voyage aux Amériques, que Thevet<br />

avait parlé des unicornes de Madagascar et d’Afrique du Sud, et c’est dans la<br />

Cosmographie universelle, au chapitre consacré aux îles de la Mer Rouge, qu’il<br />

décrit le pirassouppi du Brésil.<br />

27 Et cela fonctionne fort bien puisque, la toute première fois que j’ai feuilleté à la<br />

Bibliothèque Nationale un exemplaire de la Cosmographie Universelle, c’est la<br />

gravure du Pirassouppi, où j’ai d’abord cru voir une licorne, qui m’a fait m’arrêter à<br />

cette page et découvrir cette licorne bicorne.<br />

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