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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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seulement sur les mots. C’est à l’ennemi de l’éléphant décrit sous ce dernier nom<br />

par Pline, ici encore soigneusement distingué de la belle licorne blanche, qu’il est<br />

fait allusion. La même astuce est utilisée de nouveau, quelques feuillets plus loin,<br />

lorsqu’une digression dans le chapitre consacré au rhinocéros permet à Thevet de<br />

nous assurer que des monocéros, vivent en Éthiopie, et dix lignes plus bas qu’il n’y<br />

a pas plus de licornes «que Phénix ou de griffons». L’Histoire naturelle de Pline,<br />

toute emplie de merveilles, restait en effet une référence incontournable de la<br />

géographie de la Renaissance. Si la plupart des auteurs identifiaient, que ce soit<br />

pour y croire ou en douter, monoceros et unicornis, l’idée selon laquelle il pourrait<br />

s’agir d’animaux différents revenait de temps à autre pour expliquer la diversité de<br />

leurs descriptions; de là à présenter l’un comme réel et l’autre comme imaginaire,<br />

il n’y avait qu’un pas. Une autre source probable de Thevet est l’Histoire des<br />

drogues simples du voyageur et médecin portugais Garcia da Orta (appelé Garcias<br />

ab Horto, voire… Garcie du Jardin dans les textes de cette époque). Nous y lisons<br />

en effet que, dans cette région, vivrait «une espèce d’animal terrestre» qui «se<br />

plaît aussi fort en la mer» et a «la tête et le crin d’un cheval», arborant sur son<br />

front «une corne de deux empans de long, mobile 13 ». La description du<br />

cosmographe ressemble fort à celle du médecin voyageur, et si la traduction<br />

française citée ci-dessus ne parut qu’en 1602, il existait depuis 1567 de<br />

nombreuses éditions latines de l’Historia Aromatum. On remarquera que Thevet,<br />

s’il a repris l’essentiel de la description de Garcia da Orta, l’a enrichie d’un nom<br />

exotique de son cru. Quant à la surprenante mention d’une corne mobile, elle a<br />

sans doute inspiré au cosmographe un autre animal, l’une de ses créations les plus<br />

originales, le Camphur.<br />

Mais quand on parlait alors de licorne, c’est d’abord à sa corne à la<br />

merveilleuse réputation que l’on pensait, et Thevet en cela ne se distingue pas de<br />

ses contemporains. La plupart des témoignages et discussions sur la licorne<br />

consacraient autant de place à la nature de la corne et à ses usages qu’à l’animal<br />

proprement dit. Et nier l’existence de la licorne n’empêchait pas de croire aux<br />

propriétés de sa corne, ou de celle du monocéros, s’il était supposé différent. Nous<br />

reviendrons plus en détail, avec Thevet, sur ce point.<br />

13 Garcias ab Horto, Histoire des drogues, espiceries et de certains médicamens<br />

simples qui naissent ès Indes et en l’Amérique , Lyon, 1602 (1563), p.77.<br />

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