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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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qu’aussi la vieille traduction a ce mot de unicorne, je crois que personne ne doutera<br />

qu’il ne soit meilleur de lire au grec Monocérot 63 .»<br />

En attribuant la confusion entre rhinocéros et monocéros à des théologiens<br />

ignorant l’histoire naturelle, Pierius contournait habilement la difficulté. Il faisait<br />

mine d’ignorer que ce qui posait problème n’était pas tant l’interprétation de tel ou<br />

tel théologien, que le texte biblique lui-même. En effet, le dogme catholique voulait<br />

alors que l’original hébreu, la version grecque des Septante et la Vulgate de saint<br />

Jérôme aient bénéficié tous trois de l’inspiration divine. Or là ou l’hébreu ne voyait<br />

qu’un seul animal, le grec et le latin en trouvaient deux. Peut-être aussi<br />

l’hermétiste profitait-il là d’une rare occasion de faire primer les autorités grecques<br />

et latines sur le texte sacré, sans s’opposer pour autant au dogme de l’Église.<br />

Le théologien luthérien l’allemand Wolfgang Frantze (1564-1628) publia une<br />

Histoire des animaux de l’Écriture Sainte dont le ton est assez moderne. Mais son<br />

souci d’être fidèle tant à la lettre du texte biblique qu’aux connaissances<br />

scientifiques de l’époque l’amena à prendre une position paradoxale. Il traite en<br />

effet dans un seul chapitre du rhinocéros et du monocéros, mais celui s’intitule De<br />

monocerote et (et non seu) rhinocerote 64 . Le naturaliste y distingue avec soin les<br />

deux animaux, et cite Scaliger dans sa réfutation de Cardan. Mais le théologien<br />

constate ensuite que «de fait, dans la Langue Sainte, ils [monocéros et rhinocéros]<br />

portent un même nom, ce qui nous conduit à traiter dans un même chapitre de ces<br />

deux animaux, de leurs propriétés et de leur utilisation dans l’Écriture Sainte 65 ».<br />

Puisque l’on pensait alors qu’Adam avait nommé les animaux en hébreu, cela<br />

revenait à affirmer qu’il avait pu donner le même nom à deux créatures. Peut-être<br />

conscient de l’inconfort de sa position, Frantze ne s’attarde donc guère sur ce point.<br />

Il donne ensuite des descriptions très différentes des deux bêtes, puis passe à<br />

l’interprétation allégorique des quelques passages bibliques où apparaît l’un ou<br />

l’autre, mais en les traitant désormais comme un même animal.<br />

Dans une dissertation sur L’Œuvre du sixième jour, un autre théologien<br />

luthérien, le Hollandais Gijsbert Voegt, se livre à un festival d’érudition d’où il<br />

63 Les Hiéroglyphiques de Jean-Pierre Valérien, vulgairement nommé Pierius,<br />

Lyon, 1615, liv.II, pp.26-27.<br />

64 Wolfgang Frantze, Historia Animalium Sacra, 1613, pp.92-100.<br />

65 ibid., p.93.<br />

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