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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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qui est clairement explicitée par le père Kircher dans son Mundus Subterraneus,<br />

explique que des auteurs du XVIIème siècle aient pu, comme Laurent Catelan,<br />

attribuer aux licornes fossiles les mêmes pouvoirs alexitères qu’aux «véritables»<br />

licornes, alors même qu’ils connaissaient la nature différente de ces deux objets 24 .<br />

Cette thèse, héritière du néoplatonisme de la Renaissance, n’avait guère plus cours<br />

au XVIIIème siècle.<br />

Si les fossiles, et particulièrement les défenses de mammouths, puisque ce<br />

sont elles qui furent le plus souvent et le plus longtemps appelées «licornes<br />

fossiles», n’étaient pas des «pierres-figures» placées là par le créateur pour<br />

l’édification des hommes et la curiosité des savants, il convenait d’expliquer<br />

rationnellement leur présence. Certains se contentaient alors de penser aux restes<br />

de cuisine des Romains ou aux éléphants d’Hannibal pour rendre intelligible la<br />

présence, en des lieux inattendus, de coquilles ou d’ossements pétrifiés.<br />

Ces thèses un peu prosaïques laissèrent vite la place à de savants systèmes<br />

utilisant ces traces d’un passé oublié pour prouver la réalité historique du Déluge,<br />

ou au contraire pour retracer l’histoire de la terre depuis de trop lointaines<br />

origines 25 . La licorne appartient donc non seulement à la préhistoire de la zoologie,<br />

mais aussi à celle de la paléontologie.<br />

Déjà, au XVIème siècle, Conrad Gesner avait avancé prudemment l’idée que<br />

la licorne aurait pu être noyée par le déluge. C’est peut-être autant cette théorie<br />

populaire qu’une similitude de forme, et que l’usage médical identique qui en était<br />

fait, qui ont fait baptiser, dès le XVIème siècle, «licorne fossile» toute une série<br />

d’objets, os et végétaux pétrifiés, peut-être aussi quelques stalactites, découverts<br />

sous terre. Jusqu’alors, tout objet relativement pointu pouvait devenir corne de<br />

licorne - le spécimen décrit par Albert le Grand dans son De Animalibus était sans<br />

doute un os fossile. Conrad Gesner fut l’un des premiers à distinguer, dans son<br />

petit traité sur les fossiles paru en 1565, les licornes fossiles des autres cornes de<br />

licorne, en l’occurrence les défenses de narval 26 . Ce terme de «licorne fossile» ne<br />

24 On remarquera le point de vue quelque peu paradoxal exprimé par Thomas<br />

Bartholin dans de Unicornu Observationes Novæ (1645). En effet, alors qu’il nie les<br />

propriétés médicinales attribuées aux cornes de licorne, il accorde ces mêmes<br />

propriétés aux licornes fossiles, essentiellement, semble-t-il, parce qu’elles sont<br />

«similaires» aux licornes.<br />

25 Sur ces théories, on pourra consulter le livre de Claudine Cohen, Le Destin du<br />

mammouth, Paris, Seuil, 1994.<br />

26 Conrad Gesner, De Rerum Fossilium, Lapidum et Gemmarum Figuris et<br />

Similitudinibus Liber, Turin, 1565, p.154.<br />

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