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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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d’échecs, bien que l’on trouve un unicornio, au profil très rhinocéral, dans le très<br />

ancien Livre des jeux d’Alfonse le Sage, mais plus profondément parce que les<br />

idées sur l’existence de la licorne et sur l’origine du noble jeu me semblaient avoir<br />

évolué de manière semblable, et originale.<br />

Le cosmos ptoléméen fut défendu avec bien plus d’ardeur que la licorne ou<br />

Palamède 4 , et nul n’a jamais été brûlé, ni même condamné, pour avoir nié<br />

l’existence de la licorne ou l’origine grecque des échecs. Pourtant, s’il ne se trouvait<br />

plus, dès le milieu du XVIIème siècle, aucun intellectuel pour prétendre que la terre<br />

était au centre de l’univers, quelques-uns écrivaient encore, en 1850, que la licorne<br />

existait, ou que les échecs avaient été inventés pendant le siège de Troie. Il me<br />

semblait donc que, sur ces deux thèmes, sur d’autres sans doute, la Renaissance<br />

ne se traduisait pas par un changement rapide de point de vue, mais plutôt par<br />

l’ouverture d’un débat qui ne serait clos que cinq siècles plus tard. Cette belle<br />

construction, qui appelait une analyse structuraliste, n’a pas tenu bien longtemps.<br />

En effet, on ne peut comparer les idées de Ruy Lopez ou Pietro Carrera, auteurs en<br />

1565 et 1617 des deux plus fameux traités d’échecs, avec celles de leurs<br />

contemporains Conrad Gesner ou Ulysse Aldrovandi. Les ouvrages sur les échecs<br />

ont été écrits par des joueurs, qui ne s’intéressaient qu’accessoirement à l’histoire<br />

du jeu et ne l’abordaient qu’incidemment, en introduction; lorsqu’un érudit comme<br />

Thomas Hyde (1636-1703) se pencha plus sérieusement sur l’origine du jeu<br />

d’échecs, il eut tôt fait de démêler la vérité d’avec les légendes médiévales. Tout au<br />

contraire, le débat sur l’existence de la licorne était, dès l’origine, scientifique,<br />

opposant médecins, naturalistes, apothicaires et, à l’occasion, théologiens. Et si la<br />

controverse perdura si longtemps, c’est tout simplement parce que, si l’on<br />

renonçait au triste conte rapportant sa capture par une vierge traîtresse, la licorne<br />

n’avait plus rien d’extraordinaire excepté - mais c’est beaucoup - que ceux qui en<br />

parlaient ne l’avaient jamais vue. Un point commun subsiste néanmoins entre le<br />

noble jeu et la fière cavale, mais il convient de ne pas lui accorder trop<br />

d’importance: dans les deux cas, il s’est trouvé des hommes - il s’en trouve sans<br />

doute toujours - pour avoir intérêt à maintenir la légende. L’origine antique des<br />

échecs valorisait plus les joueurs qu’un emprunt récent au monde arabe;<br />

l’existence de la licorne expliquait celle de ces cornes dont les apothicaires faisaient<br />

un commerce fort lucratif.<br />

4 Le guerrier grec Palamède, cousin de Ménélas, était censé avoir inventé les<br />

échecs pendant le siège de Troie, pour distraire les soldats.<br />

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