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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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alors me vient à l’esprit que cette île n’est pas loin de l’Hyperborée, ou du fait de<br />

l’absence d’hommes vivent de nombreuses bêtes sauvages, et il n’est pas absurde<br />

de soupçonner que cette corne vienne d’une bête [terrestre] 52 .» On est proche ici<br />

de la découverte du narval, qui ne serait réellement décrit que par Ole Worm, trois<br />

quarts de siècles plus tard. La question de l’origine de ces précieuses lances d’ivoire<br />

était donc désormais ouverte.<br />

En 1611, dans la dernière et la plus féerique de ses pièces - La Tempête -,<br />

William Shakespeare se fait l’écho de la controverse sur la réalité de la licorne.<br />

«Désormais je croirais qu’il existe des licornes» fait-il dire à Sebastian. Mais ces<br />

bêtes auxquelles, désormais, le prudent prince naufragé veut bien croire, ne vivent<br />

pas dans l’univers réel, mais dans le lieu, le monde, l’île créée dans l’imagination<br />

des hommes par la magie de Prospero.<br />

Jusque vers 1620, le débat sur l’existence de la licorne resta donc animé,<br />

impliquant des auteurs aussi divers que les opinions qu’ils expriment. Conrad<br />

Gesner, polygraphe érudit, Jérôme Cardan, mathématicien et astrologue, Pierre<br />

Belon, naturaliste quelque peu aventurier, Andrea Marini et Andrea Bacci, médecins<br />

vénitiens, Ambroise Paré, chirurgien autodidacte, André Thevet, cosmographe plus<br />

ou moins mythomane, tous ont eu leur mot à dire sur la licorne, et chacun l’a fait à<br />

sa manière, parfois bien peu académique. Les Discours et Traités de la licorne ne<br />

sont pas des œuvres de commande, mais des textes écrits, visiblement avec<br />

plaisir, par des hommes désireux d’exprimer sur le sujet un point de vue souvent<br />

original. Et ceux, comme Pierre Belon ou Jan van Gorp, qui n’avaient pas la matière<br />

ou le temps pour en faire un traité, ni même un discours, trouvèrent sans difficulté<br />

dans un autre texte, dès qu’il était question de corne, d’ivoire, de poison ou de<br />

trésor princier, l’occasion d’une digression. Presque tous ces auteurs reprenaient<br />

les arguments et références de leurs prédécesseurs, mais ils n’hésitaient pas non<br />

plus à apporter, qui un témoignage nouveau, comme Paré citant son ami médecin<br />

Louis Paradis, qui un point de vue inattendu, comme Pierre Belon s’interrogeant sur<br />

la stature de l’animal. Si le débat put tourner à la polémique, comme le montre en<br />

1583 la Réponse au discours d’Ambroise Paré touchant l’usage de la licorne, il se<br />

52 Joannes Goropius, Origines Antwerpianæ, Anvers, 1569, p.1037. Dans cet<br />

ouvrage au ton vif, Jan van Gorp ne s’attaque pas qu’aux licornes, mais à toute la<br />

faune et tous les peuples fantastiques hérités de Pline et du bestiaire médiéval. Il<br />

ne fait ainsi pas plus de cas de l’ongle de griffon de sa royale patiente que de sa<br />

corne de licorne, et nie au passage l’existence des amazones, des blemmyes, des<br />

arimaspes et des pygmées.<br />

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