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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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comme un cheval, les pieds d’éléphant, la queue à la façon d’un porc, & la tête<br />

semblable à celle d’un cerf…», créature bien éloignée de la gentille licorne dont<br />

Thevet niait l’existence. Lorsqu’il accuse son concurrent cosmographe de prendre le<br />

rhinocéros pour la licorne, François de Belleforest est visiblement de mauvaise foi,<br />

André Thevet ayant tout au plus, et à une seule reprise, appelé le rhinocéros<br />

monoceros, mais sans jamais laisser entendre qu’il pourrait s’agir là de la licorne 34 .<br />

Depuis Isidore de Séville et Albert le Grand, qui mêlaient allègrement les légendes<br />

courant de leur temps sur deux animaux dont ils ignoraient tout, la thèse selon<br />

laquelle le rhinocéros serait la «véritable» licorne resurgissait parfois, mais elle ne<br />

se trouve point dans la Cosmographie universelle 35 .<br />

Si Thevet n’eut pas toujours bonne presse, il fut quand même lu et parfois<br />

cité, et son Gentil Traité de la licorne était ainsi, dix ans plus tard, la source<br />

essentielle de Guillaume Bouchet, dans un savoureux passage des Sérées: «… si je<br />

dois être cornu, j’aimerais mieux avoir une corne de licorne, que les Grecs<br />

nomment monoceros et les Latins unicornis, pour ce que c’est la plus digne, riche,<br />

précieuse et de plus grand prix: et aussi je ne serais bête qu’à une corne, et ainsi à<br />

demi cocu. Il lui fut répondu qu’il n’y avait point de petits cocus, et de demi cocus,<br />

et que la maison de celui qui se marie est toute entière… et aussi que la plupart<br />

tient qu’il n’y eut jamais de licorne, ni bête qui n’eût qu’une corne, et que c’est une<br />

chose imaginée, car il ne se trouve homme, tant ait-il voyagé, qui en ait vu. Si bien<br />

que Thevet dit que les cornes qu’on assure être de licornes, se contrefont par ceux<br />

du Levant et ne sont autre chose que cornes d’éléphant, creusées et allongées. Et à<br />

la vérité, ajoutait-il, quand on brûle une de ces cornes, qu’on dit être de licorne,<br />

elle rend semblable odeur que l’ivoire. Et quand tu ne serais qu’à demi cocu, lui fut-<br />

il répondu, penses-tu que ta corne soit de telle vertu contre les venins et<br />

poisons… 36 »<br />

34 Curieusement, on remarquera que Jules-César Scaliger avait déjà avancé à tort,<br />

avec la même mauvaise foi, cet argument dans sa critique de Jérôme Cardan. Voir<br />

infra, p.233.<br />

35 Voir la gravure représentant le combat du rhinocéros et de l’éléphant, p.227.<br />

36 Guillaume Bouchet, Les Sérées, Paris, 1873 (1584), tome II, pp.85-86.<br />

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