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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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ces animaux, et d’autres qui venant au fleuve pour y boire attendent que le<br />

rhinocéros ait bu, pour boire après. Car en buvant il touche l’eau de sa corne qu’il<br />

porte au dessus des narines, près du groin. Laquelle les Indiens tiennent par<br />

expérience être souveraine contre les venins et autres maladies 70 .» La scène de la<br />

purification de l’eau appartenait au corpus légendaire traditionnel sur la licorne, et<br />

l’on peut s’amuser de la voir ici attribuée au rhinocéros, dont la corne semble, de<br />

fait, anatomiquement mieux placée pour servir à cet usage. Linschoeten ne croyait<br />

guère à l’existence de la licorne mais pour lui, comme l’écrirait un autre voyageur<br />

quelques années plus tard, «le rhinocéros est la vraie licorne quadrupède 71 ».<br />

Bien qu’ayant passé près de trente ans en Inde, où fut publiée en 1563 la<br />

première édition de son ouvrage, le naturaliste et médecin portugais Garcia da Orta<br />

n’a pu observer personnellement de rhinocéros. «Je sais bien toutefois, écrit-il, que<br />

les habitants du Bengale se servent de sa corne, contre les poisons et venins,<br />

ayant opinion que c’est la corne de licorne, encore que ce ne la soit pas 72 .» La<br />

remarque est amusante lorsque l’on sait que la croyance européenne aux<br />

propriétés médicales de la corne de licorne a vraisemblablement pour origine, par<br />

l’intermédiaire du récit du voyageur grec Ctésias de Cnide 73 , la vieille tradition<br />

orientale concernant les propriétés de la corne de rhinocéros.<br />

La capucin italien Jérôme Merolla da Sorrento séjourna dix ans, en mission,<br />

dans le sud de l’Afrique. Dans la relation de son voyage au Congo, cet auteur assez<br />

porté sur le merveilleux identifie les grandes antilopes-cheval d’Afrique du Sud à<br />

l’élan des pays scandinaves, et reprend à son compte les légendes sur le sabot<br />

d’élan, remède souverain contre l’épilepsie. Il écrit ensuite: «Là vit aussi l’unicorne<br />

(unicornio), que les congolais appellent Abada, dont les propriétés médicinales,<br />

suffisamment connues, n’ont plus besoin d’être signalées. Ces unicornes sont très<br />

différents de ceux généralement décrits par les auteurs, et si vous en croyez ce que<br />

70 Histoire de la navigation de Jean-Hugues de Linscot et de son voyage aux Indes<br />

orientales, Amsterdam, 1610, ch.47 “De l’abada ou rhinocéros”, p.130.<br />

71 Voyages et aventures de F. Leguat et de ses compagnons en deux Îles désertes<br />

des Indes orientales, Londres, 1708, p.146.<br />

72 Garcia da Orta, Histoire des drogues, épiceries et de certains médicaments<br />

simples qui naissent aux Indes…, Lyon, 1602 (1563).<br />

73 «J’ai entendu dire que les Indiens boivent dans cette corne polychrome, pas<br />

tous mais les plus nobles d’entre eux, et ils l’ornent d’or, comme les bracelets qui<br />

ornent leurs bras. Et on dit que celui qui boit dans cette corne ne connaît plus les<br />

maladies. Il ne connaît plus non plus ni spasmes, ni le haut-mal, ni les effets du<br />

poison. S’il a bu avant quelque chose d’empoisonné, il le vomit et recouvre une<br />

parfaite santé.» Élien de Préneste, citant Ctésias de Cnide, De la nature des<br />

animaux, liv.IV, 52.<br />

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