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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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Boethius avait sans doute vu des cornes de licorne / défenses de narval dans des<br />

régions ou se pratiquait la chasse au morse, et l’explication qu’il en donne dénote<br />

une louable curiosité intellectuelle. Le terme Rohart désignant dans le français<br />

d’alors les mammifères marins, et principalement le morse, le récit de Boethius est<br />

sans doute la seule explication possible à la surprenante présence de ces dents<br />

d’un mammifère arctique dans l’Orient imaginaire de Thevet. Le cosmographe du<br />

roi avait certainement également lu le petit livre de Pierre Belon, Les Observations<br />

de plusieurs singularités et choses mémorables, paru en 1553. Dans cet ouvrage<br />

sérieux et documenté, ce médecin et naturaliste, qui croyait par ailleurs en<br />

l’existence d’une licorne, qui pour porter une corne comme celle de Saint-Denis ne<br />

devait pas être «de moindre corsage qu’un grand bœuf 39 », affirme cependant que<br />

les morceaux de moindre taille vendus par les apothicaires ne sont que «rouelles<br />

de dents de rohart», les termes mêmes employés par Thevet. De toutes les cornes<br />

et dents du règne animal, les défenses d’éléphant auraient été les seules assez<br />

longues pour permettre la fabrication de cornes de licorne comme celle de Saint-<br />

Denis. Thevet n’était pas le premier à avancer l’idée que l’ivoire puisse être<br />

travaillée jusqu’à donner ces belles cornes droites et spiralées, puisque vingt ans<br />

plus tôt, Jérôme Cardan mettait déjà en garde ses lecteurs contre les cornes de<br />

licornes ainsi falsifiées, et leur enseignait quelques tests permettant de distinguer<br />

la véritable corne de celle en ivoire travaillée 40 . Conrad Gesner était plus précis<br />

quand il écrivait, en 1559, que l’ivoire peut être bouillie dans quelque mystérieuse<br />

décoction afin de la ramollir pour lui donner l’apparence de la corne de licorne 41 . En<br />

1645, Thomas Bartholin écrirait encore, une centaine de pages après une<br />

description très exacte du narval 42 , que les «dents de baleine du Groenland»<br />

étaient artificiellement creusées et sculptées pour leur donner l’apparence de<br />

cornes de licorne 43 .<br />

licorne d’Ambroise Paré reprend les considérations de Boethius sur le morse et la<br />

licorne.<br />

39 Pierre Belon, Les Observations de plusieurs singularités et choses<br />

mémorables…, Paris,1553, liv.I, ch.14.<br />

40 Jérôme Cardan, De Rerum Varietate, Bâle, 1557, liv.XVII, ch.97, p.1163.<br />

41 Conrad Gesner, Historia Animalium, Liber Primus, de Quadrupedibus Viviparis,<br />

Francfort, 1603 (1551), p.693.<br />

42 Thomas Bartholin, De Unicornu Observationes Novæ, Padoue, 1645, pp.99-<br />

103.<br />

43 ibid., p.200.<br />

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