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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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l’animal porte au milieu du front (sic) une corne unique, souveraine contre les<br />

poisons 59 . En 1605, une édition du dictionnaire multilingue et curieusement<br />

volumineux d’Ambroise Calepin semble d’abord distinguer les deux animaux. On y<br />

trouve en effet deux entrées, pour les mots latins Rhinoceros et Unicornis. Mais le<br />

premier est assimilé au reem hébreu, et défini en français comme «une sorte de<br />

bête en Égypte qui a une corne sur le nez, une licorne», et en anglais tout<br />

simplement comme «An unicorne 60 ». A l’article unicornis, nous apprenons que ce<br />

mot était originellement un adjectif, et que «quelques auteurs modernes donnent<br />

ce nom à l’animal que les Grecs appellent monocéros». La traduction en est, en<br />

français,«licorne, qui n’a qu’une corne», et en anglais seulement «that hath one<br />

horne 61 ». La confusion persistait donc au delà de l’apparente distinction des deux<br />

termes.<br />

La vogue des idées néoplatoniciennes dans l’Europe du XVIème siècle 62 ,<br />

combinée à la redécouverte de textes hermétiques que l’on pensait d’origine<br />

égyptienne, donna naissance à toute une littérature symboliste. Un grand nombre<br />

de ces ouvrages traitent de ce que l’on appelait alors les hiéroglyphes, qui ne sont<br />

pas seulement les caractères de l’écriture égyptienne (que l’on tenait généralement<br />

pour purement symbolique, voire abstraite), mais toutes sortes de signes simples<br />

pouvant être combinés en phrases ou en figures allégoriques. Les Hieroglyphica,<br />

sive de Sacris Ægyptiorum Aliarumque Gentium Litteris Commentariorum de<br />

Gianpietro Valeriano, dit Pierius (1477-1558), sont l’un de ces ouvrages, et<br />

connurent un grand succès. Voici, dans la traduction française de 1615, les<br />

commentaires de Pierius sur le rhinocérot:<br />

«Par l’image de rinocérot…la Sainte Écriture entend l’homme fort et<br />

robuste… Le rinocérot est une terrible et monstrueuse bête, ayant deux cornes aux<br />

narines… En plusieurs endroits des Saints Cahiers, le monocérot et le rinocérot,<br />

comme qui dirait unicorne et naricorne, se prennent confusément pour une même<br />

chose, tant par les modernes que par les anciens théologiens, lesquels ignorant<br />

59 David de Pomis, Dittionario novo hebraico, Venise, 1587, fol.238f.<br />

60 Ambrosio Calepino, Dictionarium Undecim Linguarum, Bâle, 1605., p.1298. La<br />

première édition, que je n’ai pu consulter, date de 1502. Les suivantes sont<br />

largement modifiées et augmentées, et nous indiquent donc les points de vue à la<br />

date de leur parution, et non au début du XVIème siècle.<br />

61 ibid., p.1594.<br />

62 Voir sur ce sujet les nombreux ouvrages de Frances A. Yates, notamment La<br />

Philosophie occulte à l’époque élisabéthaine, La lumière des Rose-Croix, et la<br />

superbe biographie intellectuelle Giordano <strong>Bruno</strong> et la tradition hermétique.<br />

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