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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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oubliant sa férocité, y pose sa tête, et, lorsqu’il est endormi, on le prend sans<br />

défense.»<br />

On ne parlait cependant guère du rhinocéros au Moyen-Âge, et la confusion<br />

avec la licorne perdura sans être véritablement l’objet de débat. Même dans les<br />

sermons, on voit le pataud rhinocéros prendre parfois la place de sa gracile<br />

cousine. Déjà pour Tertullien, au IIème siècle, les deux animaux étaient identiques:<br />

«Sa beauté est celle d’un taureau, et ses cornes des cornes de licorne (Tauri decor<br />

ejus, corna unicornis, corna ejus)», nous dit-il, se référant sans aucun doute au<br />

Deutéronome: «Sa beauté est comme d’un taureau premier né, et ses cornes<br />

comme des cornes de rhinocéros (Quasi primogeniti tauri pulchritudo ejus, cornua<br />

rhinocerotis, cornua ilius)» dans le texte de la Vulgate 25 . La Bible des Septante<br />

avait traduit l’hébreu Reem, dans lequel on voit aujourd’hui un bœuf ou buffle, par<br />

monoceros, que la Vulgate latine rendit tantôt par unicornis, tantôt par rinoceros.<br />

La tradition patristique utilisa de même indifféremment les termes monoceros,<br />

rhinoceros (avec ou sans h) et unicornis, mots qui désignaient visiblement pour les<br />

docteurs de l’Église un même animal, plus proche sans doute du puissant<br />

rhinocéros que de la fine licorne.<br />

Les grands récits de voyage de la fin du Moyen-Âge entretinrent parfois la<br />

confusion, même quand Marco Polo s’étonnait quelque peu de l’aspect peu<br />

engageant des unicornes observées à Java vers 1280: «Ils ont maints éléphants<br />

sauvages et assez d’unicornes, qui ne sont guère moins gros qu’un éléphant. Ils<br />

ont le poil du buffle, le pied comme celui de l’éléphant, une corne au milieu du<br />

front, très grosse et noire. Et vous dit qu’il ne fait aucun mal aux hommes et aux<br />

bêtes avec sa corne, mais seulement avec la langue et les genoux, car sur sa<br />

langue il a des épines très longues et aiguës…Il a la tête comme un sanglier<br />

sauvage, et la porte toujours inclinée vers la terre; il demeure volontiers dans la<br />

boue et la fange parmi les lacs et les forêts. C’est une bête très vilaine à voir, et<br />

dégoûtante. Il n’est point du tout comme nous, d’ici, disons et décrivons quand<br />

nous prétendons qu’il se laisse attraper par le poitrail par une pucelle. C’est tout le<br />

contraire de ce que nous croyons 26 ». Dès la fin du XVIème siècle, des lecteurs<br />

25 Tertullien, Liber adversus Judæos, ch.X, et Deutéronome, 33.17, cités par C.G.<br />

Jung, Psychologie et alchimie, p.552.<br />

26 Marco Polo, Le Devisement du Monde, ch.CLXVII, “Ci-devise de Java la<br />

mineure”.<br />

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