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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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Albert le Grand avait certes déjà parlé, dans son De Animalibus, d’un grand<br />

poisson qui, de sa corne unique, pouvait transpercer la coque des navires 120 . Il<br />

n’est pas certain qu’il pensait au narval, même s’il se peut que le savant du<br />

XIIIème siècle, qui vécut longtemps dans le nord de l’Allemagne, eût entendu des<br />

marins décrire cet animal alors moins rare qu’aujourd’hui, mais qui ne s’éloigne<br />

guère des terres arctiques. Quoiqu’il en soit, le monoceros piscis ne passa pas à la<br />

postérité, et resta ignoré des bestiaires. On trouve dans un recueil de récits<br />

traditionnels norvégiens le Konnungs Skuggsja, une description plus précise et plus<br />

exacte de l’animal 121 ; cet ouvrage reprend des légendes très anciennes, mais leur<br />

consignation par écrit est postérieure aux autres textes dont il sera question ici, ce<br />

qui nous interdit d’accorder trop d’importance à cette œuvre.<br />

En 1539, une féroce licorne de mer montre ses dents sur une carte de<br />

Scandinavie publiée par Olaus Magnus, archevêque d’Uppsala réfugié à Rome, d’où<br />

il voyait avec effroi le protestantisme s’installer dans sa lointaine patrie. Il n’est<br />

guère étonnant de voir l’unicorne marin refaire surface dans l’œuvre d’un savant<br />

scandinave, qui avait sans doute, au moins par ouï-dire, une vague connaissance<br />

de l’animal appelé aujourd’hui narval. La description qu’Olaus Magnus en donne en<br />

1555 dans son Historia Septentrionalium Gentium n’est pourtant qu’une paraphrase<br />

de celle avancée, trois siècles plus tôt, par Albert le Grand: «Le monocéros est un<br />

monstre marin ayant une grande corne sur le front, de laquelle il perce les navires<br />

qui se trouvent au devant de lui et les mets à fond. Mais la bonté divine a pourvu<br />

aux navigateurs contre la mauvaiseté de cette bête, la rendant tardive et fort lente,<br />

de sorte que les mariniers la voyant se peuvent aisément sauver, sans être<br />

aucunement offensés d’elle 122 .» Quand à la représentation de cette licorne de mer,<br />

tant sur la gravure qui illustre ce passage que sur la carte de Scandinavie qu’Olaus<br />

Magnus avait publiée quelques années auparavant, elle ne fait guère penser au<br />

narval. Ce monocéros à la gueule de carnassier porte en effet, sur son front, une<br />

corne large et courte qui n’a rien de commun avec les si précieuses licornes.<br />

120 Albert le Grand, De Animalibus, liv.XXIV, 84.<br />

121 Konnung’s Skuggsja (le miroir royal), trad. Laurence M. Larson, New York,<br />

1917, cité in Fred Bruemmer, The Narwhal, Toronto, 1993, p.55.<br />

122 Histoire des pays septentrionaus écrite par Olaus le Grand, Goth, archevêque<br />

d’Uppsale…, Anvers, 1561 (1555 en latin), liv.XXI, fol. 247-248.<br />

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