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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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On connaît encore de nos jours la mandragore, cette plante à la racine<br />

anthropomorphe née, dit-on, du sperme des pendus 28 . Entérinant à demi cette<br />

légende, Laurent Catelan distingue deux sortes de mandragore: «L’une qui est rare<br />

et qui provient d’une production extraordinaire, naissant en lieux écartés de la<br />

société humaine, et l’autre qui se trouve à la campagne… et qui est produite par la<br />

voie de semence en la même forme que les autres sortes de plantes.» La première<br />

provient «du sperme des hommes pendus ès gibets, ou écrasés sur les roues… qui<br />

se liquéfiant et coulant avec la graisse, et tombant goutte à goutte dans la terre…<br />

produit ainsi cette plante de Mandragore, le sperme d’un homme faisant en ce<br />

rencontre, pour produire cette plante, l’office et l’effet de graine.» Quant à ses<br />

propriétés, elles ne peuvent être dues qu’au «diable qui s’est fourré» dans cette<br />

plante, puisqu’elle procure richesse, gloire, valeur guerrière et, bien sûr, puissance<br />

sexuelle. Pour autant, il n’y a pas de mal à rechercher la plante «tant pour admirer<br />

sagement les merveilleuses productions de la Nature, que pour se servir des rares<br />

qualités, vertus et propriétés légitimes que Dieu lui a attribuées».<br />

Oubliée aujourd’hui, alors que beaucoup connaissent encore la corne de<br />

licorne, la pierre de bézoard avait pourtant dans la pharmacopée de la Renaissance<br />

un rôle très similaire. Ambroise Paré en avait critiqué l’usage au même titre que<br />

celui de la licorne, contant qu’un cuisinier de Charles IX, condamné à mort pour<br />

avoir dérobé des plats en argent, accepta «très volontiers» d’être empoisonné<br />

plutôt que pendu quand on s’engagea à lui administrer aussitôt après le poison<br />

quelques grains de pierre de «Bezahar». Le condamné mourut dans d’atroces<br />

souffrances et «ainsi la pierre d’Espagne, comme l’expérience le montra, n’eut<br />

aucune vertu. A cette cause le roi commanda qu’on la jeta au feu, ce qui fut fait 29 .»<br />

Laurent Catelan, qui s’enorgueillissait de posséder «un des plus beaux, plus<br />

rares et plus extraordinaires Bezoars» avait dans les propriétés de ce dernier la<br />

même confiance qu’en celles de la corne de licorne, mais distinguait soigneusement<br />

deux variétés de la précieuse pierre. Le bézoard des anciens, le plus rare, est<br />

constitué des larmes pierreuses des vieux cerfs mourants. Le bézoard des<br />

modernes, formé «de petites pierres de diverse couleur et forme qu’on tire de<br />

certains animaux comme chèvres et chevreuils en Asie, ou comme moutons et<br />

28 On pourra lire sur ce sujet la brève et étonnante monographie consacrée à la<br />

mandragore, en 1911, par Gustave Le Rouge, plus connu pour les aventures du<br />

Mystérieux Docteur Cornelius.<br />

29 Ambroise Paré, Le livre des venins, in Œuvres complètes, éd. Malgaigne, t.III,<br />

pp.339-342.<br />

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