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IMAGES ET CONNAISSANCE DE LA LICORNE - Bruno Faidutti

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décrit la licorne? Thevet connaissait pourtant mal son Pline, qui ne parle pas<br />

d’unicornis mais de monoceros. Cet animal à corne noire et pattes d’éléphant, s’il<br />

est régulièrement cité par les défenseurs de la licorne, est en effet aussi éloigné de<br />

la belle licorne des «discours de Mélusine» que peuvent l’être le pirassouppi ou le<br />

camphruch.<br />

On sent bien l’hésitation de Thevet à remettre en cause l’autre preuve<br />

fréquemment alléguée de l’existence de la licorne, les quelques occurrences, sept<br />

en tout, d’«unicornis» dans les bibles latines de l’époque 33 . C’est au passage le plus<br />

connu, le Psaume 22, «libera me ab ore leonis et a cornibus unicornium<br />

humilitatem meam» que pense Thevet lorsqu’il nous dit avec raison que le<br />

psalmiste ne nous parle guère que de la fureur de l’animal, sans le décrire en rien.<br />

Nous touchons ici à l’ambiguïté de bien des discours sur la licorne. S’il ne se<br />

trouvait sans doute plus grand monde au XVIème siècle pour croire à une fine<br />

cavale se laissant attendrir par les jeunes vierges, la légende de la licorne avait pris<br />

une forme atténuée à travers la croyance assez fréquente, et plus compatible à vrai<br />

dire avec les très rares témoignages de l’Antiquité sur le sujet, en l’existence<br />

d’ânes ou d’antilopes unicornes en Orient. Même Barthema, l’auteur, après Pline,<br />

dont le témoignage était le plus souvent cité, ne faisait que décrire un animal<br />

proche de la licorne de l’iconographie mais sans y ajouter le moindre élément de<br />

merveilleux ou de fantastique. En instillant le doute sur son témoignage, alors<br />

même que le récit du voyageur italien resterait encore longtemps le plus fiable et le<br />

plus complet concernant la cité de La Mecque, Thevet, dont les périples doivent<br />

bien plus à l’imagination, était un peu ridicule. François de Belleforest ne put que<br />

revenir sur le sérieux et crédible témoignage de Barthema, discréditant ainsi son<br />

rival en cosmographie. La violence de la critique par Thevet des classiques et des<br />

modernes croyant en la licorne semble, avec le recul, d’autant plus excessive que<br />

la différence essentielle, entre Thevet et Belleforest par exemple, concerne<br />

l’attribution ou non du nom générique de licorne à tous les quadrupèdes unicornes,<br />

ou à un seul d’entre eux. C’est pour cela que l’argumentaire de Thevet, mais aussi<br />

celui de son contempteur Belleforest, est biaisé: ils se croyaient, ou se voulaient,<br />

scientifiquement opposés, et c’est surtout une querelle de mots qui les opposait. Le<br />

premier témoignage cité par Belleforest pour discréditer Thevet est celui de Pline et<br />

Solin, «un animal farouche, mugissant hideusement, ayant le corps et habitude<br />

33 Nombres, XXIII, 22 ; Deutéronome, XXXIII, 17 ; Psaumes, XXII, 21 ; Psaumes,<br />

XXIX, 6 ; Psaume, XCII, 10 ; Isaïe, XXXIV, 7 ; Job, XXXIX, 9-12. Voir supra, t.I,<br />

p.155.<br />

-34-

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