Terre di mezzo: la Basilicata tra costruzione regionale e proiezioni ...

Aperitivo geografico
Le Pr Manlio Rossi-Doria, agronome devenu plus largement un économiste
et un spécialiste du développement et de l’aménagement rural de premier plan.
Ses positions démocratiques et socialistes lui avait valu d’être assigné par le
fascisme à résidence dans la montagne lucanienne dont il a pu analyser très
finement les réalités agricoles, sociales. Après-guerre, il fut en partie le
concepteur de la réforme agraire (même s’il ne tarda pas à en critiquer les
modalités de réalisation), il a développé à Portici un centre de recherches très
actif, produisant des études concrètes et des propositions de développement,
animé par une grande volonté réformiste, de changement, Dans un esprit de
rigueur scientifique et de pragmatisme, au contact des réalités, il a formé de
nombreux chercheurs et aménageurs.
Dans quelle mesure cet épisode lucanien a-t-il marqué B. Kayser, le militant,
le géographe ou plus largement le chercheur en sciences sociales qu’il était ?
Impossible de le dire avec précision, mais je suis convaincu qu’il a beaucoup
compté, d’autant qu’il a coincidé avec sa rupture, sinon avec le marxisme du
moins avec un marxisme sectaire, idéologiquement intolérant représenté par le
PCF d’alors. Ces rencontres, ces discussions sur la question paysanne, sur les
Sassi... , ces approches de fait ‘’interdisciplinaires’’ n’ont pu que renforcer chez
B. Kayser ce sens du dialogue du débat, de l’ouverture aux questions du monde
méditerranéens mais aussi aux autres sciences sociales. Je suis convaincu qu’elles
ont influé sur la pratique géographique de Kayser, notamment dans son
appréhension des milieux ruraux et pas seulement méditerranéens et dans son
engagement aux côtés de mouvements culturels, associatifs ruralistes.
Ces deux petites années l’ont donc beaucoup marqué, intéressé, cf ses
remerciements en début de thèse, il en a gardé de profondes amitiés affectives et
intellectuelles.
Un lien entretenu jusqu’au bout avec la Basilicate et ses amis Rossi-Doria,
Mazzarone...
J’en ai été en partie le témoin dès 1972 à l’occasion de l’excursion et
jusqu’en 1996 au cours de notre semaine lucanienne, ultime séjour de Kayser en
Basilicate. Je sais aussi que R. Mazzarone est passé plusieurs fois à Toulouse.
Malgré la maladie qui l’a touché dans les années 1980 et rendait difficile les
grands voyages, Bernard est revenu plusieurs fois en Basilicate, toujours chez son
ami Rocco, à Tricarico, depuis la retraite de celui-ci. En 1989, Renée
l’accompagnait. En 1996, j’ai eu ce privilège. La maladie minait sournoisement
ses forces physiques, mais il était content de passer quelques jours en Lucanie, et
sa clarté d’analyse, de jugement, de questionnement, était intacte et me rappelait
ces qualités que j’avais vues à l’oeuvre, vingt ans plus tôt, lors d’enquêtes que
j’avais faites avec lui sur les industries rurales dans le Tarn et Garonne. Je garde
de cette semaine, des rencontres, des discussions de Tricarico, d’Aliano... un
souvenir ému et reconnaissant à Bernard Kayser ainsi qu’à Rocco Mazzarone.
J’ai largement profité de ce lien puisque deux ans après l’excursion de 1972,
je déposais un sujet de thèse sur cette région sous la direction de B. Kayser. Il
s’agissait pour moi d’analyser les changements sociaux et spatiaux intervenus au
XXe siècle. Dans les conseils méthodologiques qu’il donnait aux chercheurs, de
quelque rang qu’ils soient, ce thème des changements tenait une grande place,
tout comme l’attention aux conflits sociaux pris comme révélateurs des enjeux,
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