Le Parfum D'Adam

n’avait pas tout à fait rompu avec des airs d’adolescent.
Comme l’acteur aussi, son visage était dépourvu de
véritable beauté. Mais il pouvait rayonner d’une force et
d’un charme redoutables. Il savait rester discret, invisible
même. Si on le remarquait, c’était à coup sur parce qu’il
avait décidé de faire usage de ses armes.
Le casque sur la tête, penché sur le VTT, Paul se faufilait
dans le flot des voitures, grimpait sur les trottoirs, prenait
les contresens. Il aimait les villes, toutes les villes
d’Amérique où il avait vécu. Il s’était toujours senti en elles
comme dans une véritable jungle mais humaine. Il aimait
leur géographie compliquée, leurs forêts de maisons, les
grandes plaines de leurs places, les vallées que creuse le
flot des voitures entre les berges des immeubles. Avec son
vélo, il traçait dans ces savanes des sentiers secrets qui
n’étaient qu’à lui.
Le Madison était un vieil établissement qui avait dû être
successivement un palace, un casino et un squat. Il était en
train de redevenir un hôtel, au prix d’une interminable
réhabilitation. Paul se rendait rarement dans cette zone du
centre-ville. C’était un lieu de rendez-vous bizarre pour un
mécène fortuné. Le vrai luxe était plutôt dans les quartiers
modernes de la périphérie. Arrivé devant l’hôtel, Paul
constata qu’évidemment il n’y avait rien dans les parages
pour attacher les vélos. Il mit pied à terre et tendit son VTT
à un voiturier qui arpentait le trottoir.
— Vous prenez ça aussi ? demanda-t-il.
L’homme avait déjà l’air furieux d’être accoutré d’une