Le Parfum D'Adam

Fritsch et tout m’est revenu. Inconsciemment, les débats du
séminaire 67 étaient restés gravés dans ma mémoire. Sur
le moment, je n’avais rien compris. Trente ans après, je
m’apercevais qu’ils m’avaient marqué en profondeur. La
question que j’avais posée ce jour-là venait sans aucun
doute de ces influences oubliées.
Une fois rentré chez moi, j’ai fouillé partout pour
retrouver un vieux classeur où j’avais rangé les notes de
l’époque. J’ai beau être assez ordonné, il m’a fallu presque
toute la nuit pour remettre la main dessus. Vous pouvez
m’imaginer : à quatre pattes dans une salle d’archives,
penché sur une vieille photo de classe, celle que vous avez
volée chez Fritsch. Toute la journée suivante, j’ai cherché
des noms, des adresses. Celui dont j’étais le plus proche
pendant le séminaire, c’était Rogulski. Normal : nous étions
fauchés tous les deux. Ensuite, je l’ai complètement perdu
de vue car ma carrière n’avait pas vraiment fait de moi un
spécialiste des pays de l’Est… Mais nous étions en 99. Le
mur de Berlin était tombé. J’ai mis un collaborateur sur la
piste. Il n’a pas été très difficile de retrouver ce vieux Rog.
Je l’ai fait venir à New York où j’habitais à l’époque. Le
pauvre était pratiquement clochardisé. Il avait passé
plusieurs années en URSS et, à son retour chez lui, on
l’avait nommé dans un labo de deuxième zone près de
Gdansk. Sa seule perspective, c’était une retraite minable
trois ans plus tard. Je lui ai proposé de rester en Amérique.
Il a refusé. Figurez-vous que cet imbécile aime la Pologne !
Il ne veut pas vivre ailleurs. Alors, je me suis arrangé pour