Le Parfum D'Adam

je crois vous en avoir parlé. C’est un infirme qui travaille
comme portier à l’hôtel Laranjeiras. Il a des idées très
arrêtées sur ce qui sied ou pas à la dignité de ce qu’il
appelle une dame, et de surcroît une étrangère.
Je pensais trouver un emploi tout de suite, mais dès que
j’ai été vaguement installée, j’ai éprouvé le besoin de
marquer une pause. J’ai fait de longues promenades dans
la ville, j’ai amélioré mon portugais (j’avais commencé à
l’apprendre à l’hôpital). Mon trajet favori était celui qui me
menait à travers des ruelles en pente jusqu’aux abords de
l’aéroport Santos-Dumont. On y voit la baie de Rio d’une
façon particulière, qui me plaît beaucoup. À cet endroit, il
n’y a pas de plage et rien n’évoque artificiellement les
vacances. C’est un lieu de remblai et de friches
industrielles. Il est tout à la fois souillé et intact car la
disposition des mornes, l’harmonie de la côte donnent
l’étrange impression de pénétrer dans ce monde pour la
première fois, comme ont dû le faire les découvreurs
portugais.
J’ai flâné là des journées entières, aux abords de
l’ancien fort hollandais qui abrite aujourd’hui une école de
la marine. Je m’asseyais sur les rochers et je regardais
l’eau changer de couleur au gré des heures qui passaient.
Personne ne me posait plus de questions, sauf moi-même.
Enfin, il m’était possible de peser chaque idée, chaque
désir et d’évaluer paisiblement sa pertinence, sa valeur
pour moi. Peut-être vous choquerai-je en vous disant que
j’ai beaucoup réfléchi à mes conversations avec Harrow et