Le Parfum D'Adam

— Aïe ! Et Louise qui est chez sa tante à Baltimore pour
la semaine. Tu aurais dû nous prévenir.
— Je n’étais pas sûre du jour où j’arriverais, bredouilla
Juliette en baissant les yeux.
— Ah, tu ne changes pas, dit Burton, la voix étranglée
par un sanglot de nostalgie.
Quand Juliette était arrivée la première fois à
Philadelphie, elle avait tout juste dix-huit ans. Elle avait
bataillé jusqu’au bout avec ses parents pour qu’ils la
laissent partir. Elle avait dû se contenter des dernières
places que proposait l’association qui organisait les
séjours au pair. On l’avait prévenue qu’elle tombait mal.
Elle était affectée chez un policier sans envergure. Sa
femme était impotente et il élevait Louise, sa petite-fille,
depuis le divorce violent de ses parents. Voilà ce que
Juliette avait soigneusement caché aux enquêteurs sudafricains
: cette relation américaine avec un vieux flic qui la
considérait comme sa fille.
Car le séjour de Juliette à Philadelphie avait été sa
première expérience de la tendresse. Louise était une
enfant de dix ans très gaie malgré les drames qu’elle avait
vécus. Et Burton tempérait la rigueur quaker héritée de sa
mère par le sang irlandais du côté paternel. Il lui avait
donné une vraie chaleur humaine et un goût bienvenu pour
le whisky, mais seulement après le coucher du soleil.
— Accompagne-moi jusqu’au Mémorial. Tu vas me
raconter un peu ta vie, tout de même.