Le Parfum D'Adam

Tout cela demeurait incontestablement présent chez le
vieillard que Paul découvrait sur son rocking-chair. Mais le
reste était méconnaissable. Ses cheveux étaient tombés, à
l’exception d’une demi-couronne grise et cassante qui
enserrait son crâne à l’endroit où les empereurs romains
se ceignaient de lauriers. Il avait grossi, d’un embonpoint
maladif où se reconnaissaient les effets de la cortisone :
cou de buffle, adiposité du tronc tandis que les membres
étaient au contraire amaigris. Curieusement, le gonflement
de son visage lui redonnait un aspect lisse, lunaire qui
n’était pas sans rappeler l’expression du jeune idéaliste
photographié pendant le séminaire 67.
Le majordome posa sur une desserte le plateau émaillé
où étaient disposés les instruments nécessaires au
traitement du jour. Comme Jaegli l’avait décrit, McLeod lui
fit signe de sortir. Il recevait toujours son médecin seul.
C’était un des points clefs de l’opération et Paul en fut
soulagé.
— Bonjour, docteur, asseyez-vous, je vous prie.
Une chaise était disposée en face du fauteuil à bascule
et à proximité de la desserte.
— Ainsi, vous êtes un élève du professeur Jaegli ? C’est
un grand privilège, je suppose.
McLeod parlait d’une voix un peu cassée, très douce. Il
n’y avait pas trace d’autorité dans sa diction. Paul se
demanda s’il en avait toujours été ainsi ou si c’était un effet
de la maladie.