Le Parfum D'Adam

— L’abondance… ! Dans ce désert… ? Si on n’avait
pas apporté des côtelettes… !
— On trouve tout ce qu’il faut dans la nature, même ici. À
condition de ne pas être trop nombreux.
— Voilà !
— Oui, dit Harrow, en tisonnant le feu. C’est le grand
secret. C’est cela qui caractérise les sociétés
traditionnelles. Elles se sont adaptées à la nature et non
l’inverse. Les combats rituels, les sacrifices, toutes les
interdictions avaient pour but de limiter la taille du groupe.
Ainsi, le milieu naturel pouvait toujours le nourrir en
abondance.
Sur ce sujet, Harrow devenait presque volubile. Il
continuait de parler lentement, mais on sentait qu’il était au
cœur de son sujet.
— Mais un jour, les hommes ont cessé de voir des dieux
partout et ils ont placé au sommet de toutes choses un
Dieu unique. Chaque homme, reflet de ce Dieu, est devenu
sacré. L’individu a acquis plus de valeur que le groupe et
l’espèce humaine s’est mise à proliférer. La nature n’y a
plus suffi. L’équilibre était rompu. L’abondance était
devenue pauvreté.
Une minuscule bulle de gaz dans une braise se mit à
chuinter. Harrow parut écouter cette fragile mélodie,
comme si elle lui délivrait un message. Puis le feu se tut et
il reprit la parole.
— L’être humain s’est mis à torturer la terre pour qu’elle