Le Parfum D'Adam

J’ai pris contact avec le type qui signait les articles sur le
Net. J’ai utilisé un pseudonyme et je lui ai servi une histoire
de fondation de recherche qui n’a probablement pas fait
illusion. En tout cas, il a accepté de me voir discrètement.
Nous nous sommes rencontrés sur le lac Erié. Ce fut mon
dernier voyage avant de m’enfermer ici. ÀT époque, j’avais
un voilier qui stationnait dans une marina près de Chicago.
Il était assez grand, mais sa conception ultramoderne me
permettait de le barrer seul. Je suis parti au moteur vers le
nord, puis j’ai longé la côte au foc, pour ne pas aller trop
vite. On était au printemps et dans ces coins-là, il y a
toujours des bans de brume qui traînent. Heureusement, à
l’endroit convenu, j’ai aperçu une barque à moteur avec un
grand type dedans. Je lui ai jeté une élingue et il est monté
à mon bord. C’était Ted Harrow. Je ne vous le présente
pas.
Je lui ai demandé de m’expliquer son projet. Il m’a
répété ce qu’il écrivait sur son blog. Mais en l’entendant
parler, j’ai compris d’où venaient ses idées. Il était parvenu
aux mêmes conclusions que nous par une voie totalement
différente : celle de la mystique indienne. Ou plutôt, celles
d’une néo-culture indienne revue et corrigée dans
l’Amérique d’aujourd’hui par des groupes désireux de
retrouver leurs racines perdues. Le type se prétendait
indien, mais il avait des yeux bleus qui devaient lui venir
d’Ecosse. Ses idées ne dépassaient pas le stade de
l’intuition. Il les formulait à la manière des prophètes ou des
poètes, avec des fulgurances, des visions. Mais je n’avais