Le Parfum D'Adam

marqué par la discrétion, l’obscurité, la mobilité. On ne
retrouvait pas dans sa vie le sillage d’objets, de lieux, de
relations que la plupart des êtres abandonnent derrière
eux. Chaque fois que l’on parvenait à savoir ce que Harrow
faisait, on ignorait où il vivait. À l’inverse, à chaque
résidence que l’on parvenait à lui retrouver ne
correspondait aucune activité connue. Ce mystère durait
depuis longtemps. Il était une caractéristique non de lui
seul mais de toute sa parentèle.
Pourtant, dans un passé lointain, il ne semblait pas
toujours en avoir été ainsi. Dans le Connecticut où Harrow
était né, sa famille était honorablement connue. Par sa
grand-mère paternelle, il descendait même de la
prestigieuse lignée des pèlerins du Mayflower. Le déclin
était survenu dans les années vingt. La branche de son
père avait fait de mauvaises affaires et s’était retrouvée
carrément ruinée. Les autres avaient coupé tout lien avec
ces incapables tombés dans la pauvreté. Voilà pourquoi,
quand on les interrogeait sur Ted Harrow, aucun de ses
lointains parents et homonymes ne prétendait le connaître.
Dans les registres fiscaux, on retrouvait des traces de son
père pour des petits emplois dans l’hôtellerie sur la côte
Est. Il disparaissait ensuite complètement deux ans
seulement après la naissance de son fils.
Faute de temps, l’équipe de Providence n’avait pas
retrouvé de dossier scolaire à propos de Ted : il aurait fallu
les chercher sur tout le territoire des États-Unis et peut-être
même à l’étranger. Harrow ne réapparaissait qu’en 1991,