Le Parfum D'Adam

prolifération des misérables. Ce n’est pas le fruit d’un
raisonnement, mais plutôt d’une expérience. Voilà ce que
sa mère m’a permis de comprendre. Le petit Ted a connu
la pauvreté lui-même. Elle lui colle à la peau, bien qu’il soit
parvenu à la fuir. Il hait les pauvres avec toute la force que
l’on peut mettre à se haïr soi-même.
Paul ne cherchait plus à dissimuler son intérêt pour le
sujet. Il parlait plus vite et plus fort. Kerry, de son côté,
suivait ce raisonnement avec attention. Ils avaient dépassé
le stade de la rivalité pour en atteindre un autre qui leur
réserverait de plus grandes joies : celui de la pensée en
partage, de la complicité intellectuelle et de l’action
commune.
— OK, enchaîna-t-elle. On est d’accord : à ce premier
stade, Harrow n’a pas encore vraiment de projet. Il veut
surtout influencer la ligne de One Earth et peut-être même
s’y emparer du pouvoir. Les dirigeants de l’association ne
sont pas très inquiets. Et puis, tout à coup, comme on le
voit dans les comptes rendus, il se passe quelque chose.
— D’abord, il reçoit de l’argent. Les gens de One Earth
l’ont noté et sa mère me l’a confirmé. Harrow, qui n’avait
jamais un rond, se met à porter des montres de prix, à
louer des bureaux, à voyager. Dans le même temps, les
communiqués de son groupe deviennent plus
académiques, plus complexes, comme s’il avait reçu un
soutien intellectuel autant que financier.
— Je n’avais pas fait le rapprochement. Mais ça peut
coller.