Le Parfum D'Adam

que l’idée même de les compromettre par une vie paisible
et banale leur était apparue intolérable. À vingt kilomètres
de Grozny bombardée, dans une casemate en rondins,
sous la neige qui commençait à couvrir les reliefs, ils
avaient décidé ensemble de mettre fin à leur relation, de
l’arrêter sur ce sommet et d’en conserver le souvenir pur. Ils
s’étaient redonné leur liberté comme des voyageurs qui,
après une halte, décident qu’ils repartiront chacun de son
côté.
Mais ils s’étaient prêté deux serments : le premier était
qu’ils préserveraient toujours une indéfectible affection. La
sexualité n’y prendrait plus de part, mais elle garderait la
force du désir, la beauté de leurs souvenirs, l’intensité de
l’admiration qu’ils avaient l’un pour l’autre. Quant au
second, c’était un vœu : ils se reverraient si, un jour, la vie
leur réservait de partager ensemble des moments intenses
comme ceux qui les avaient réunis. Il était peu probable
que cela advînt jamais. Au moins s’étaient-ils juré de
répondre l’un à l’autre présent si par extraordinaire de
nouveau « les conditions étaient réunies ».
À Odessa, ils étaient maintenant certains qu’elles
l’étaient.
Née dans l’urgence du service et la clandestinité de
l’action la relation de Paul et de Kerry avait des exigences
de feu. Leur affection se nourrissait de danger, de
mouvements, de décisions. Elle se serait asphyxiée ellemême
en les conduisant à y renoncer. Sitôt passé ce