Le Parfum D'Adam

livrée grise et d’une casquette ronde ridicule sur laquelle
était écrit « Madison ». Il toisa Paul avec mépris, détaillant
le coupe-vent vert pomme et beige passablement boueux
et les chaussures de sport achetées aux soldes d’hiver
trois ans plus tôt. Paul lui fit comprendre, en souriant, qu’il
n’était pas un coursier, mais avait rendez-vous dans l’hôtel.
Le voiturier se résigna à prendre le vélo d’un air dégoûté et
à le placer en lieu sûr.
Les couloirs étaient tapissés d’une moquette épaisse,
neuve mais ornée de motifs déjà démodés. Paul se
demandait comment il allait reconnaître son interlocuteur.
Heureusement, le bar, à cette heure-là, était vide. Un seul
client était attablé tout au fond, de dos. On ne distinguait
que son crâne dégarni.
Paul approcha, fit le tour pour se présenter de face.
Quand il reconnut celui qui l’attendait, il était trop tard. Il
eut un mouvement de recul, jeta un coup d’œil vers la
sortie. Mais le visiteur s’était déjà redressé et tendait les
mains vers lui.
— Mon cher Paul… Pardon, je devrais plutôt dire : mon
cher docteur, puisque maintenant…
Le visage tout à coup hostile, Matisse ne saisit pas les
mains que lui tendait le vieillard. Sans le quitter des yeux, il
resta debout devant lui.
— Vous, murmura Paul.
— Eh oui, moi-même !
Le personnage inclina la tête et mima une révérence