Le Parfum D'Adam

Plusieurs jeunes garçons, vêtus de ce qui avait dû être
autrefois des complets-veston, se présentèrent comme
guides et lui conseillèrent des hôtels.
Heureusement, Paul, cette fois encore, avait fait
procéder à une réservation depuis Providence. En levant le
nez, il vit, face à lui, au fronton d’une des maisons du quai,
l’écriteau qui annonçait « Hôtel Tubarâo ». C’était là qu’une
chambre l’attendait. Il s’engouffra dans l’établissement et
ses poursuivants s’arrêtèrent à la porte.
Autoproclamé sur une affiche « Premier hôtel de l’île »,
le Tubarâo jouait sur l’ambiguïté du terme. Il était probable
en effet qu’il avait été construit avant tous les autres car ses
murs épais, son patio entouré d’arcades et ses sols de
pierre avaient à l’évidence traversé plusieurs siècles. On
avait cependant du mal à croire qu’il fut le premier en
confort, si l’on en jugeait par le couvre-lit mité, l’interrupteur
de bakélite en forme d’olive qui pendait au-dessus de la
table de nuit et l’émail fendu du lavabo. Mais, après tout, il
était bien possible que les autres établissements fussent
pires. Agosto est une île assez à l’écart du reste de
l’archipel et peu de touristes s’aventurent jusque-là.
Paul comprit tout de suite que la principale difficulté
viendrait de la sollicitude intéressée qui l’entourerait en
permanence. S’il s’en tenait au rôle de touriste ordinaire, il
risquait de ne pas pouvoir quitter les sentiers battus. La
moindre demande originale de sa part pourrait éveiller les
soupçons. Le choléra était certainement l’événement
majeur survenu sur cette île depuis longtemps. Même si