Le Parfum D'Adam

les présentent comme si c’étaient des reliques sacrées.
Moi, je n’ai jamais gobé leurs histoires. Je les prends tous
pour des farceurs. Mais Ted, lui, il y croit.
— Il y a longtemps que vous vous êtes installée par ici ?
— On est arrivés quatre ans après la mort d’Edgar. Ted
avait sept ans. Je ne sais pas pourquoi j’ai eu l’idée de
revenir dans ce trou. Je crois que j’avais trop galéré sur la
côte Est. Blanchisseuse, vous savez, on ne gagne rien.
J’aurais pu faire quelques extras avec des hommes. Ce
n’est toujours pas les bonnes sœurs qui m’en auraient
empêchée. Mais il y avait Ted. On vivait dans une seule
pièce, la plupart du temps. On a fait tous les quartiers
pourris de Philadelphie et je suis montée jusqu’à Détroit
pour essayer d’être mieux payée. C’était chaque fois pire.
Alors, je suis venue ici. J’ai emprunté trois ronds et j’ai
ouvert une cantine près du lac. Quelque temps plus tard, je
me suis mariée avec Miller. C’était un type qui louait des
barques. Il m’avait fait le coup de la promenade à la rame.
Elle souffla comme un vérin à vapeur et Paul se rendit
compte que c’était un rire mêlé à un soupir, apparemment
une spécialité qui lui avait valu le nom de « Vent du
Matin ».
— Miller ne s’est jamais entendu avec Ted. C’est même
à cause de ça que le gosse a fait ses premières fugues
chez les Indiens. Quand j’ai finalement réussi à le mettre
dehors, c’était trop tard. Ted n’est plus jamais rentré à la
maison.