Le Parfum D'Adam

l’offre de Joâo qui souhaitait l’inviter à dîner. Il se fit monter
un affreux sandwich au pâté dans sa chambre et s’installa
sur le balcon pour réfléchir.
Il lui semblait parfaitement clair, à l’observation du
terrain, que le choléra n’avait pas pu pénétrer
simultanément dans ces trois zones sans que quelqu’un
intervienne pour l’y introduire. On ne pouvait imaginer
endroits plus isolés, moins reliés au monde. C’étaient trois
foyers distincts, trois microcosmes dans lesquels la
maladie n’avait pu arriver – de façon rigoureusement
simultanée – que par le fait d’une décision humaine.
Mais dans quel but ? Qui aurait eu le moindre intérêt à
rendre malades ces quelques personnes ? Dans la zone
résidentielle, on pouvait, à l’extrême rigueur, imaginer une
vengeance. Mais sur l’île d’Agosto ? Il n’y avait pas
d’endroit plus inoffensif, plus abandonné des dieux, en un
mot plus insignifiant.
La nuit était tombée sur le port. Faute de moteurs pour
emplir l’air de leur vrombissement, l’espace était occupé
par les voix des passants, de lointains accords de guitare
venus d’un café voisin et, entourant la ville, par les
aboiements d’innombrables chiens qui se répondaient de
mur en mur à travers les champs. Paul s’étendit sur son lit,
déclenchant une cacophonie de ressorts. Une grande
tache jaunâtre, au plafond, témoignait d’une inondation
passée. Elle dessinait comme une île avec ses criques,
ses caps et même, par ses variations de teinte, ses reliefs.
Soudain, Paul se redressa. Une phrase du professeur