Le Parfum D'Adam

selles et dans des sacoches, indiquait que la chevauchée
durerait sans doute plusieurs jours. La crosse ouvragée
d’une carabine dépassait d’une des fontes de la selle de
Harrow.
Ils commencèrent par remonter un peu la gorge jusqu’à
un chaos de rochers qui dégringolaient de l’une des
berges. Un étroit sentier poussiéreux se dessinait à peine
entre les pierres. Les chevaux semblaient bien le connaître
car ils l’escaladèrent seuls et d’un pas sûr. Harrow montait
un étalon à l’encolure large. Juliette suivait sur une jument
placide et confortable. Ils arrivèrent ainsi sur le rebord de la
mesa à l’heure où le soleil commençait à se dégager de la
ligne d’horizon. Le pas de l’entier était plus allongé. Juliette
restait un peu en arrière et devait parfois trotter pour
rattraper son retard. Cet écart ne lui déplaisait pas et
Harrow semblait aussi le maintenir volontairement. Il les
contraignait à rester silencieux. Rien ne troublait la
contemplation du spectacle qui s’offrait à eux.
À mesure que le soleil se levait, ils assistèrent d’abord à
l’embrasement des lointains. C’était le contraire d’une
aube ordinaire où le paysage pâlit à mesure qu’augmente
la lumière. Ici, le rouge ne venait pas du ciel mais de la
terre. Plus le soleil s’élevait et plus le sol s’assombrissait.
À perte de vue, les tables de rochers creusées par les
eaux et le vent prenaient des teintes soutenues d’ocre et
de carmin.
Le soleil, en montant, sculptait d’abord le relief en lignes
horizontales. Entre l’éclat du ciel et l’obscurité de la terre,