Le Parfum D'Adam

peut produire que des catastrophes. Par exemple, en
protégeant les phoques, ils les font proliférer, comme
l’homme a proliféré. Et les phoques menacent maintenant
plusieurs espèces de poissons.
Une antilope avait dû percevoir le discret écho de ces
mots chuchotés. Elle leva la tête et ses yeux explorèrent la
berge. Mais elle ne distingua pas d’autre mouvement que
celui du soleil réverbéré à la surface tremblante du torrent
et elle se remit à boire.
— La nature, ce n’est pas le respect de la vie. C’est
l’œuvre de la mort. Chacun tue et est tué. L’équilibre, c’est
l’harmonie des prédateurs. Protéger la nature, c’est savoir
qui il faut faire mourir.
En disant ces mots, Harrow tendit la carabine à Juliette.
Elle la regarda sans comprendre. Puis, presque
machinalement, elle la saisit. Jamais encore elle n’avait
touché une arme, même pas en jouet. Elle fut étonnée par
son poids, sa densité. D’un seul coup, elle comprit
comment on peut être rassuré par un tel objet. Harrow
continuait d’observer les animaux à travers les buissons.
Elle sentit qu’il était inutile d’attendre de lui un ordre ou
même une parole. Il la laissait libre de son choix. Il se
passa un long instant pendant lequel les pensées les plus
confuses se bousculèrent dans son esprit. Finalement, elle
mit l’arme en joue et visa.
La mire, un peu au hasard, accrocha une jeune bête qui
avait terminé de s’abreuver et attendait, un peu au-dessus
des autres, immobile sur le haut de la berge.