Le Parfum D'Adam

— Tu ne m’accompagnes pas ? insista-t-elle.
— Laisse-moi finir : le lendemain, tu repartiras par un vol
de la Varig à destination de Denver.
Juliette le fixait toujours avec des yeux écarquillés. Un
plancher, au fond d’elle, venait de s’effondrer. Il lui semblait
qu’elle dégringolait dans un vide intérieur vertigineux.
— Tu ne m’accompagnes pas.
Harrow, avec un air de mauvaise humeur, se lança dans
une longue péroraison sur la sécurité, l’unité d’action, la
nécessité de dédoubler les fonctions : opérationnelles d’un
côté, d’organisation et de soutien de l’autre. Son regard
fuyait et, contrairement à son habitude, il faisait de grands
gestes avec les mains.
Juliette se sentait à des années-lumière de lui. Elle avait
l’impression de voir tout clairement. Le film de ces
dernières semaines repassait en elle et elle distinguait
enfin ce qui se cachait derrière les apparences. Il lui
semblait saisir le véritable contour des personnages et de
l’histoire. Il n’y avait pour elle ni amour, ni amitié, ni partage
d’un combat, ni idéal commun. Harrow et les autres
n’avaient fait que le strict nécessaire pour lui laisser croire
ce qu’elle avait envie de croire.
La seule raison pour laquelle Harrow et son groupe
avaient paru céder à son chantage et accepté de la faire
participer à l’action, c’était pour l’utiliser cyniquement. Elle
n’était au fond qu’une déséquilibrée, traitée en service
psychiatrique, exclue de Greenworld pour ses prises de