Le Parfum D'Adam

— Au Bangladesh. On s’est douté de quelque chose
parce que l’épidémie qui a commencé là-bas en 1992
touchait des adultes. Or, dans des pays où le choléra est
endémique, les adultes sont en général immunisés. En
étudiant le nouveau microbe, on s’est rendu compte que
les anticorps contre le choléra 01, le vibrion habituel, ne
protégeaient pas contre cette nouvelle souche. Elle a donc
fait des ravages.
— Et d’où provenait ce nouveau vibrion, à votre avis ?
— Il s’est formé par incorporation au microbe habituel
de morceau de matériel génétique emprunté aux
nombreuses souches de vibrion non pathogène. Cet
emprunt l’a rendu plus solide : il est entouré d’une capsule,
ce qui lui permet de mieux résister aux conditions
extérieures et de se transmettre plus facilement par
contact. Cela lui donne aussi la possibilité de passer dans
le sang. On a ainsi observé un cas de septicémie, chez un
sujet affaibli, alors que cela n’existe jamais avec le choléra
habituel.
— Professeur, intervint Kerry en regardant fixement le
vieux savant, pouvez-vous affirmer que cette mutation a
été… spontanée ?
— Je comprends votre perplexité, mademoiselle. Il est
vrai que cela peut paraître étonnant qu’un microbe reste
stable pendant des centaines d’années et soudain change.
Pour être tout à fait honnête, je ne peux rien exclure. Il est
possible que cette mutation soit naturelle. Il est possible
aussi qu’elle ait été… préparée.